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Article réalisé par Benoît JEANSON
Eté familial et garnison
En 1905 Joseph est nommé à l’Etat Major de la 8é Division au Mans en qualité de sous-chef. Il y restera jusqu’au mois de mai 1914.
Durant ce temps de garnison la famille Jeanson se lia d’amitié avec diverses familles d’officiers, dont les Romanet de Beaume (qui s’unira a celle de Joseph par le mariage d’André fils de Joseph), les Auguste Jeanson, et celle du général Roc dont la fille Lucie resta intimement liée avec Geneviève (fille de Joseph). Le commandant Auguste Jeanson, originaire d’Angers, sera tué au combat le 24 août 1914. J’ai mentionné nos relations actuelles avec des neveux de cet officier, dans la brochure « De Brousseval à Dunkerque » ; il s’agit de monsieur Louis Jeanson.
En 1908 le capitaine Jeanson est noté, depuis sa sortie de Saint-Cyr, comme ayant un esprit cultivé, intelligent, méthodique, travailleur, d’une éducation parfaite, grand caractère, très zélé, très dévoué, montant parfaitement à cheval, d’excellente santé, très résistant à la fatigue, s’étant fait aussi apprécier à l’Etat Major de la 8é Division, comme un excellent officier d’Etat Major ; ayant l’œil et la promptitude dans les décisions ; il ne sera promu « chef de bataillon » qu’au début de l’année 1914, malgré les avis répétitifs du général de division Chailley, commandant supérieur de la défense :
« M. le capitaine Jeanson s’est constamment distingué par sa manière d’être et de servir. Cet officier mérite, à tous les titres, d’être inscrit, depuis plusieurs années déjà au Tableau d’avancement. (Le Mans 29 octobre 1913) ».
Le commandant de corps d’armée et Inspecteur d’armée le général Boëlle, de son côté :
« Très bon officier classé le 1er pour chef de bataillon. (Le Mans le 10 novembre 1913) ».
Déjà en 1909 le capitaine Jeanson ne laissait pas insensible les cadres supérieurs de l’Etat Major :
« Ne cesse de rendre les meilleurs services. Vient de participer aux manœuvres d’automne et y a fait preuve de ses qualités rigoureuses de connaissance du terrain, de jugement et de vigueur physique. Proposé pour l’avancement au choix. Mérite d’être inscrit au tableau le plus tôt possible ».
En 1911 le 30 juin : « Le capitaine Jeanson a assisté aux manœuvres des cadres de la 8é Division et aussi au voyage d’Etat Major de groupe d’Armées sous la haute direction de M. le général Michel. Son inscription au tableau s’impose cette année ». En 1912 à la fin du premier semestre : « Le capitaine Jeanson a rempli pendant cinq mois environ, d’octobre 1911 à février 1912, les fonctions de chef d’Etat Major de la 8é Division, en l’absence du titulaire parti en congé et puis en retraite. Il a remis à son successeur un service parfaitement en règle. Intelligent, esprit fin et vif, sachant traiter une question vite et bien, excellent cavalier. Le capitaine Jeanson est un officier de choix des plus méritants (30 juin 1912).
C’est seulement le 23 mars 1914 que la promotion au grade de chef de bataillon est remise au capitaine. Les longues années d’attente au grade de cadre supérieur trouvent leurs sources dans la politique des « fiches » du ministre de la guerre, un certain général André (1901 - 1904).
Républicain et libre-penseur, André veut « décatholiciser l’armée ». A partir de 1901, il favorise systématiquement la carrière des officiers qui partagent ses opinions. Pour ce faire, le ministre met au point un système de fiches. Chaque officier est désormais observé, une fiche consignant son niveau de connaissance et ses compétences militaires, mais aussi ses idées politiques et son comportement religieux. Afin de monter ce service de renseignement, l’officier d’ordonnance du général André s’entend avec le secrétaire du Grand Orient de France. Ayant abandonné toute référence spiritualiste en 1876, cette obédience maçonnique est dominée par le courant rationaliste. Les fiches, rédigées à partir des indications procurées par les loges, sont rassemblées au siège du Grand Orient, puis transmises au ministère. Elles comportent des notations comme : « Va à la messe », « Sa femme va à la messe », «Met ses enfants chez les jésuites », « Dévoué au gouvernement », « Franc-maçon » etc. Ensuite, les officiers sont classés en deux catégories : ceux qui sont à écarter, ceux qui doivent être promus.
Pendant quatre ans, la filière fonctionne discrètement. Le 28 octobre 1904, sous le ministère Combe, un député modéré, Jean Guyot de Villeneuve, dévoile cependant la combine. Devant la chambre, il donne lecture de fiches qui lui ont été confiées par le secrétaire adjoint du Grand Orient, pris de remords. Le débat est tumultueux, et s’étend dans la presse. Le 4 novembre suivant, déplorant le poids des cléricaux dans l’armée, le général André nie avoir été au courant du fichage des officiers. Mais face aux évidences, le 15 novembre 1904, le général André est acculé à la démission. Le 18 janvier 1905, victime du scandale des fiches, c’est le gouvernement du bloc des gauches qui tombe.
L’affaire a affecté le moral de l’armée. dans les régiments, les promus récents sont soupçonnés de devoir leurs galons à une faveur politique, et les indicateurs réels ou supposés sont mis en quarantaine.
Entre le 2 août et le 31 décembre 1914, Joffre, générale en chef des armées française, devra limoger 180 généraux français sur 425. Beaucoup devaient leurs étoiles non à leurs talents, mais à leur docilité politique.
A ma connaissance, tous les officiers des différentes branches familiales, portaient haut leurs convictions religieuses de catholiques pratiquants, le missel à la main chaque dimanche. Encore heureux que le capitaine ne fut pas amené à participer à la chasse des ordres religieux lors des années 1904 - 1905.
Le refus aurait conduit notre officier à donner sa démission de l’armée. Une des plus célèbres victimes de l’anticléricalisme dans l’armée de terre fut le général Edouard de Curières de Castelnau. Ce dernier devait être, pour divers raisons d’ancienneté et de commandement, nommé généralissime en 1918. Sa foi en Dieu, son missel du dimanche sur sa table de nuit, ses convictions royalistes, lui firent préférer le général Ferdinand Foch. Ce dernier, bien qu’ayant un frère jésuite et pratiquant la messe chaque matin, étais d’orientation politique plus présentable aux yeux de nos gouvernants. Il est vrai que les tranchées virent naître une fraternité d’arme effaçant les idéologies sectaires.
Lieutenant à Tours, c’est dans cette ville que Joseph rencontra mademoiselle Alice Roulliet alors âgée de 23 ans.
Notre tante Denise Duchaine, née Delaire, dit volontiers que les jeunes gens se rencontrèrent à Saint-Avertin. Evénement normal du fait que madame mère habitant « Les vieilles Fontaines » une bonne partie de l’année estivale, était en relation amicale avec la famille Delaire demeurant au « Petit-Bois » ; à un kilomètre de distance environ. Des soirées piano animées par Alice, entre autres au « Petit-Bois » ne furent pas étrangères dans cette affaire. Les fiançailles eurent lieu le jeudi 20 avril 1893 et le mariage le 19 juillet 1893 en l’église de la Trinité à Paris. Le jeune ménage s’installa de 1893 à 1897, 7 rue Sébastopol à Tours.
Laissons la parole aux instances familiales et militaires, par qui devaient obligatoirement passer les demandes autorisants de convoler en justes noces.
Première démarche nécessaire, celle du père du jeune soupirant.
(Lettre de Gustave Jeanson adressée de Nice le 17 avril 1893 à madame Antony Roulliet).
Madame.
Mon fils Joseph lieutenant au 66é de ligne, qui a eu l’honneur de vous être présenté ainsi qu’à madame votre mère, par nos excellents cousins G. Delaire, votre frère et belle-sœur, a dû à cette bonne fortune d’être admis à voir dans une sorte d’intimité mademoiselle Alice votre fille. Il a vivement apprécié ses qualités sérieuses et son extérieur agréable, mais dans sa situation modeste il n’aurait jamais osé espérer qu’il pût lui être donné de prétendre à sa main. Nous mêmes dans un sentiment de légitime réserve, nous lui conseillions de ne pas s’arrêter à cette idée et de se donner sans arrière pensée au travail durant quelques années encore. Dieu auquel nous demandons tous les jours, ma femme et moi, d’assumer le bonheur de nos enfants et de les conduire par les voies les plus convenables à cet effet, semble nous indiquer que dans cette circonstance nous nous trompions.
Nous considérons, en effet, comme tout à fait providentielle l’intervention si bienveillante et affectueuse de nos excellents parents, vos frère et belle-sœur. Aussi encouragés par eux, je viens, madame, et j’adresse la même prière à madame votre mère vous demander, au nom de Joseph, la main de Mademoiselle Alice. Je puis vous assurer et l’assurer elle même qu’elle sera reçue dans notre famille comme une fille aimée et qu’elle trouvera dans Joseph un mari l’aimant de tout son cœur et disposé à faire pour la rendre aussi heureuse qu’on puisse l’être ici bas, tout ce qui sera en son pouvoir. Je puis affirmer aussi que Joseph aura pour sa nouvelle famille l’affection la plus vive et la plus reconnaissante.
Veuillez agréer, Madame, et transmettez à Madame votre mère2 l’hommage de mon respect et l’expression des sentiments les plus distingués de ma femme.
G. Jeanson
La réponse de Madame Roulliet ne se fit guère attendre. Le 21 avril, le cœur battant, le jeune Joseph fit parvenir à sa future belle-mère, par l’intermédiaire de M. Gaston Delaire3, cette charmante missive :
Madame.
C’est avec un bien grand bonheur que je viens de recevoir la lettre de mon cousin Delaire, me disant que vous aviez bien voulu confirmer officiellement à mon père la demande qu’il aura faite en mon nom, de la main de mademoiselle votre fille. Cette lettre m’a fort ému et je ne sais vraiment comment vous remercier. J’espère vous montrer, mieux par mes actes que par des mots, combien j’apprécie l’honneur que vous me faites et toute la reconnaissance que j’éprouve envers vous et mademoiselle Alice. Je vous promets de faire tout mon possible pour lui donner tout le bonheur dont je suis capable et auquel ses qualités si sérieuses lui donnent droit ; je vous demanderai de me considérer dès maintenant un peu comme votre fils et je m’efforcerai de l’être véritablement. C’est à ce titre que je vous prie de me guider dans la connaissance chaque jour plus grande que mademoiselle Alice et moi devons faire l’un de l’autre. Je suis un peu timide et fort ignorant en bien des choses et je n’ai pas trop de compter sur toute votre futur affection pour diriger ma conduite.
J’ai toujours eu recours jusqu’ici, sans jamais m’en repentir aux conseils de mes parents ; je vous demanderai de bien vouloir maintenant partager ce rôle avec eux, puisque vous voulez bien devenir ma seconde mère.
Le mariage est une chose si sérieuse qu’en l’entreprenant on ne peut jamais, je crois, avoir assez recours, pour se connaître mutuellement, à ceux qui vous aiment ou qui vous doivent de l’affection.
Veuillez agréer je vous prie, Madame, et faire agréer à mademoiselle Alice, l’expression de mes sentiments très respectueusement reconnaissants.
Joseph Jeanson
Une fois l’autorisation de la future belle-mère obtenue, restait celle de l’armée. Une enquête fut confiée au capitaine de gendarmerie Verant. Ce dernier diligenta un rapport transmis en date du 4 juin 1893 au général de Division gouverneur militaire de Paris, répondant ainsi à la note de service N°1155 du 30 mai 1893 :
« Mademoiselle Roulliet Alice, âgée de 23 ans recherchée en mariage par monsieur Jeanson lieutenant au 66é régiment d’infanterie, habite chez sa mère 18 rue d’Aumale à Paris. La famille se compose de la mère, qui est veuve, et de la future qui est fille unique. Les renseignements obtenus sur cette famille sont excellents. Mademoiselle Roulliet, apportera en mariage, sa fortune personnelle s’élevant à 400 000 francs5 et capital. Les espérances sont de plus de 30 000 francs de rente ». 6
Joseph peut alors transmettre son enthousiasme à son frère par une lettre, adressée du camp du Ruchard (entre Poitiers et Tours), en date du 19 avril 1893 :
Mon cher Amédée.
Au commencement de ce mois, je ne me doutais guère que quinze jours après il serait question sérieusement de mariage pour moi. Je suis cependant très heureux et très reconnaissant à ma cousine Delaire des démarches qu’elle a bien voulu faire en ma faveur auprès de Mme et Melle Roulliet. Je n’aurais jamais sans cela osez prétendre à une telle union. Melle Roulliet que j’ai déjà vue plusieurs fois est un peu plus petite que ma cousine Delaire, elle est un peu grosse, mais a une figure distinguée. Elle est très sérieuse, ce qui me plaît beaucoup, et fort simple. Elle a eu une jeunesse assez triste, tant que son père qui était fort original a vécu. Sa mère, la sœur de mon cousin Delaire7, est, on ne peut plus gracieuse et aimable. Elle ne répond en aucune façon au type commun de la belle-mère, et je crois qu’à l’encontre de ce qui arrive généralement, elle sera une belle-mère charmante. Madame Delaire mère que tu as vu à Saint-Avertin est une femme très simple et de beaucoup de fond. En somme je suis fort heureux d’entrer dans une famille aussi sérieuse et aussi distinguée qui correspond de tout point avec la notre. J’espère que bientôt tu trouveras toi aussi une jeune fille te convenant parfaitement, c’est ce que je te souhaite de tout mon cœur, car je sais que plus que moi tu désirais te marier.
Au revoir. Ton frère qui t’aime bien. J. Jeanson
Si les archives familiales conservent d’Amedée ses cahiers, souvenirs très complets, allant de son enfance aux toutes dernières années de sa vie ; il n’en est pas de même de Joseph. De ce dernier, ainsi que de sa femme, les archives familiales ne contiennent pas plus d’une quinzaine de lettres. Celles du voyage de noces, écrites à madame Antony Roulliet sont assez intéressantes. Il est toujours intéressant de voyager en regardant au travers des yeux de tierces personnes d’une autre époque. Les jeunes mariés prennent le chemin de la Suisse, de l’Autriche, via Wormhout (entre Dunkerque et Cassel) où demeurent une partie de l’année M. et Mme Gustave Jeanson, les parents.
Wormhoult (Alice met un « l » à l’orthographe de cette ville) 19 juillet 1893
Ma chère Maman
(
) Aujourd’hui nous allons refaire encore la route de Dunkerque en voiture pour aller déjeuner chez M et Madame Bourdon. Je ne sais si le repas sera aussi copieux que celui de jeudi chez les Hecquet ; le menu marque 17 plats qui ont été largement arrosé. Nous sommes restés trois heures à table, de 1h, 1/2 à 4h. Je me suis énergiquement défendue pour les vins. Mais comme j’étais à côté du maître de la maison - c’est une place à laquelle ne l’étais pas habituée et qui m’étonne encore beaucoup - il a fallu m’exécuter et c’était d’ailleurs excellent ; il parait seulement que c’est la coutume en Flandre de faire ainsi.
(
) Pour la cuisinière dont tu me parles j’ai peur d’après ta description de trouver une emplâtre. Peux-tu lui faire dire seulement que je serai au Petit-Bois8 le dimanche 27 août dans la journée et d’y venir si présenter. Maintenant si tu entends parler d’autres, fais les également venir ce jour-là car il faudra me décider promptement (
)
Lucerne - hôtel du Rigi - 25 juillet 1893
(
) Nous venons d’arriver à Lucerne nullement fatigués et très contents car notre voyage s’est passé le mieux possible jusqu’ici. Hier à Bâle nous avions fait une promenade superbe en chemin de fer jusqu’au lac de Thoune. Là nous avons traversé tout le lac en bateau à vapeur pour aller à Interlaken où nous avons pris une très gentille petite voiture qui nous a conduits au Stanbbach. Cette route de 19 km qui y conduit est merveilleuse ; chaque aspect est varié ; c’est un peu sévère mais très beau. Nous avions un temps superbe et j’étais enchantée.
En revenant le soir à Lucerne nous avons eu la plaisir de trouver ta lettre à la poste ; cela fait du bien quand on est loin de recevoir de bonnes nouvelles. (
). Cette Suisse est vraiment merveilleuse. Dans chaque ville, à chaque nouvelles promenades je suis toujours surprise et émerveillée. Demain si le temps est favorable nous irons au Rigi (Righi) et nous partirons probablement vendredi de Lucerne pour aller sans doute à Einsiedeln ; ici notre itinéraire n’est pas absolument tracé ; aussi serais-tu bien bonne de nous écrire, toujours, poste restante à Innsbruck (Tyrol - Autriche) pour dimanche ou lundi. Plus notre voyage s’avance, plus j’entends parler allemand, plus surtout je ne vois que des inscriptions allemandes ; Genève, c’était comme en France, mais depuis Berne tout est allemand. (
) Nous ne sommes nullement fatigués car tous les jours nous nous levons relativement tard (8h) maintenant dans la journée nous circulons en voiture, c’est vrai, mais c’est reposant de jouir des magnifiques panoramas que nous voyons.
Salzbourg 2 août.
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) Nous avons fait une promenade ravissante. Le temps était redevenu beau et le soleil éclairant les montagnes couvertes de pin ou de rochers ayant encore de la neige, c’était féerique. Paris à 8h 1/2 nous sommes arrivés à Zoningsee vers midi ; la nous avons déjeuné au bord du lac dans un restaurant - qui entre parenthèse nous a horriblement écorché - puis nous avons fait le tour du lac dans une barque où nous étions une quinzaine. Les rameurs , de vigoureux montagnards en costumes du pays, m’ont beaucoup amusé et j’ai été très étonnée de voir les femmes faire comme les hommes et donner aussi de vigoureux coups de rame. Au bout du lac nous avons fait une promenade à pied pour aller visiter le fond d’une gorge de la montagne. Ce lac est vraiment merveilleux ; il est entouré de montagnes très élevées, c’est fort beau. Cette promenade nous a pris 4h ; de retour à Zoningsee nous sommes remontés en voiture pour nous rendre à une mine de sel. Cette descente dans une mine qui n’est pas exploitée dans sa partie visitable est excessivement curieuse et nullement dangereuse. Cependant je n’y vois pas grand-mère !. D’abord nous avons revêtu un costume de circonstance ; moi un pantalon blanc en gros coutil, veston noir et bonnet avec grosse ceinture en cuir ; tu juges de l’effet de ce costume !. Il a beaucoup amusé Joseph. En suite l’on nous a donné des lanternes ; alors nous sommes entrés dans de très longs corridors. Nous avons marché pendant une bonne demi-heure puis tout d’un coup nous sommes arrivés à une réserve d’eau, sorte de petit lac souterrain que nous avons traversé en barque. Tout autour de ce petit lac, de petites lampes avec jet d’eau éclairé au milieu, étaient du plus pittoresque effet. Puis grimpant toujours nous sommes parvenus à un rond-point ; là l’on nous a mis à cheval sur une sorte de poulie et nous tenant les uns aux autres nous avons glissé très rapidement au premier étage et recommençant cette descente nous sommes arrivés à la mine qui est très curieuse. Joseph et moi n’avons jamais rien vu de pareil et sommes enchantés de cette excursion qu’on fait énormément ici d’ailleurs. Cette promenade m’a fourni encore la distraction de passer en Bavière car Beechtesgaden a une trentaine de kilomètres de Salzbourg n’est plus en Autriche et nous avons bien ri tous les deux lorsqu’un grave douanier autrichien est venu, non moins gravement, nous réclamer 1,25 f pour quitter ce pays ; le bavarois que nous avons trouvé cent mètres plus loin ne nous a rien réclamé.
Le soir nous sommes rentrés à l’hôtel vers 9h, enchantés de notre promenade qui a été tout le temps ravissante ; mon oncle avait bien raison de nous dire que ce pays était superbe. C’est encore bien plus beau que la Suisse.
Nous allons partir tout à l’heure faire encore une promenade. Ce matin nous avons visité la forteresse qui est intéressante, avant nous étions allés à la poste où j’ai trouvé enfin trois lettres de toi. De retour à Innsbruck nous avons trouvé deux lettres de mon beau-père nous donnant des nouvelles de Wormhoult. Nous partirons probablement samedi matin pour Ischl (Haute Autriche) puis Besançon ou nous serons vers mardi ou mercredi. Tu vois que nous allons nous rapprocher ; nous irons à Roche9 et nous serons certainement à Wormhoult pour le 13 août ; ensuite en passant par Paris nous arriverons à Saint-Avertin ; où nous espérons bien rester quelques jours avant les grandes manœuvres.
De Bâle, hôtel Suisse, 8 août ; Joseph écrit à sa belle-mère.
(
) Nous allons aller visiter un peu la ville que je veux faire voir à Alice, car je la connais déjà. J’aurais voulu revenir moins rapidement d’Ischl, mais Alice m’ayant assuré qu’elle préférait cela et qu’elle n’était nullement fatiguée, nous avons fait deux bonnes courses. Dimanche nous sommes partis d’Ischl pour aller à Steniach sur l’Enns et Innsbruck où nous avons couché à l’hôtel de l’Europe. Hier matin nous sommes partis d’Innsbruck pour Bâle où nous sommes arrivés à 8h, 1/2 du soir. Nous avons eu un temps superbe. La route est magnifique dans le Voralberg. Nous l’avons fort bien vue car nous étions dans le wagon-salon qui est à la fin du train. Ce wagon est fermé à l’arrière par une énorme glace que l’on peut descendre ou fermer à volonté au moyen d’une crémaillère. Pendant la route nous avons déjeuné et dîné dans le wagon-restaurant très commodément, de sorte qu’en arrivant hier soir nous n’étions nullement fatigués. Nous repartons cet après-midi à 2h, 1/4 pour Belfort et Besançon.
Je ferme, ma chère mère, ma lettre car Alice est prête et je ne veux pas la faire attendre.
Wormoult 13 août
Nous sommes arrivés à Wormhoult10 hier à 1h,1/2 après avoir passé la nuit chez toi rue d’Aumale. Aujourd’hui je me dépêche de t’écrire pour que ma lettre t’arrive demain car je n’oublie pas que ce sera le 14 août et malheureusement je ne serai pas là pour te souhaiter ta fête. Je t’assure que je penserai bien à toi et d’ici je te souhaite de tout mon cœur une bonne fête.
Nous avons trouvé mon beau-père assez bien ; ma belle-mère est toujours bien triste et ces jours-ci vont lui être encore très pénibles ; enfin ils sont si bons pour moi, ils me soignent tellement que j’en suis profondément touchée.
J’ai reçu à Besançon une lettre de grand-mère et je te prie de vouloir bien l’en remercier pour moi ; je tâcherai encore de lui écrire prochainement. Elle m’a appris la mort de Misette ; cela a dû être au Petit Bois un événement tragique et vraiment si tu as une feuille de papier à perdre - en plus de ta lettre prochaine - dis-moi comment grand-mère et ma cousine ont pris cela. Joseph me trouve très méchante de regretter en riant de n’avoir pas été au Petit Bois en ce moment là. Enfin il paraît que la concierge de grand-père Dauchez a une chienne qui aura prochainement une famille et si grand-mère veut bien Joseph sera heureux de lui retenir un enfant ; parle de cela à grand-mère.
A Besançon nous avons été parfaitement reçu par nos cousins Guérin. J’ai fait là la connaissance de tous mes nouveaux cousins ; le onzième le petit Benoît qui avait 11 jours commençait à devenir gentil et allait très bien. Sa mère est excessivement aimable (
)
A Roche chez nos cousins Caron nous avons passé jeudi une journée très agréable ; le mariage est pour le 30 août. L’on refait de toutes part le vieux château et notre cousin René a l’air de s’installer très confortablement.
Ce n’est pas tout d’être en lune de miel, il est bon de ne pas aussi oublier les réalités terrestres.
Wormhoult 16 août 93
Joseph écrit à sa belle-mère. Ma chère mère (...) J’ai écrit lundi à Bellanger d’envoyer les meubles. Il a du sans doute faire l’envoi aujourd’hui. Je lui dis de vous prévenir de la date du départ et de celle probable de l’arrivée. Les meubles ont du être adressés en notre nom, à Saint-Avertin, en gare de Tours. Alice et moi nous avons pensé qu’en agissant ainsi, la gare d’Orléans de Tours vous avertirait au Petit Bois de l’arrivée des caisses et que vous pourrez ainsi les faire entrer rue de Sébastopol le jour où vous le désirez. Alice pense que le menuisier de Saint-Avertin pourra sans doute défaire les caisses et monter les meubles dès que nous serons arrivés.
(
) Demain nous allons déjeuner ou plutôt dîner à midi 1/2 chez madame Hecquet11 à Dunkerque. Lundi nous lui avions fait un petit bout de visite en passant à Dunkerque. Elle a trouvé Alice charmante, ce qui m’a fait grand plaisir mais ne m’a pas du tout étonné. Elle a arrêté mon père sur le pas de la porte pour lui dire dans l’oreille : « Elle est très bien, elle me plaît tout à fait ! ». Partout où nous allons, c’est la même chose. Du reste ceux qui ne penseraient pas comme madame Hecquet seraient des gens de mauvais goût que je ne reverrais plus.
Une lettre datée du 19 juillet 1908, donne, encore, un petit aperçu du caractère intime et familial de Joseph :
Ma chère Mère.
Merci de votre lettre reçue ce matin. Alice est au milieu de ses malles, cherchant à caser des chapeaux dans une boite moins grande que chacun d’eux. Elle m’a demandé de vous écrire, ce que je fais, du reste, avec le plus grand plaisir. J’ai bien, en effet, aujourd’hui des raisons de vous remercier pour le bon cadeau - épouse que vous m’avez fait à pareille date voici quinze ans. Comme le temps passe ! comme on vieillit ! comme les enfants grandissent ! mais comme aussi les sentiments de tendresse et d’affection deviennent de plus en plus profond ! Que Dieu nous bénisse et nous conserve longtemps encore notre bonheur ! Nous avons été tous deux le remercier ce matin et prier pour tous ceux qui nous sont si chers. Vous pouvez croire que je ne vous ai point oubliée et comme je suis sûr également des sentiments d’Alice à votre égard, donc nous avons prié tous deux pour vous. Puissiez-vous gagner un petit peu plus à la crapette avec votre frère et votre belle-sœur. Avec nous c’est autre chose.
Voilà 15 ans, j’avais 26 ans et maintenant j’en ai 41 sonnés. Ce n’est pas gai, mais il faut me consoler en pensant que je suis dans la force de l’âge. Avant j’espérais être fort, plus tard je me rappellerai que j’ai été fort et ainsi je pourrai toujours trouver un motif de consolation. Geneviève est revenue hier de la distribution des prix avec un gros livre représentant 3 ou 4 prix, dont 1 de narration, 1 d’histoire, 1 de travail manuel, 1 d’ordre et de politesse et 2 accessits. Elle était fort fière et veut emporter son livre pour vous le montrer. Maurice a sa distribution cet après-midi. André ayant été hier chez les frères a vu qu’il avait 2 livres, un broché et un relié. De sorte que Maurice est déjà un petit peu fier. Quand il reviendra, il le sera tout à fait. Tous se préparent à partir, demain matin, avec un plaisir non dissimulé en vacances. Je voudrais qu’à Versailles il plut moins qu’ici, car ce ne sera pas commode de maintenir tranquilles les enfants dans les petites pièces décousues de maman. André fait, ce matin, ses adieux à ses professeurs. La rentrée est fixée au 2 octobre. Vous nous dites que Germaine Delaire12 a eu le même malaise que sa mère et sans plus de durée. Nous ne savons pas quel est le genre de ce court malaise. Je pars en permission de quinze jours mardi, et je pense que toute ma longue permission pourrait bien se borner à ces quinze jours là, car je crains qu’après les manœuvres, le commandant veuille s’absenter tout de suite. Enfin qui vivra verra.
Tous nous vous embrassons tendrement de tout cœur, votre fils très affectueusement attaché.
J. Jeanson
Les enfants de Joseph JEANSON
Le 21 juillet 1895, rue Sébastopol à Tours, apparaît André, qui épousera Antoinette de Romanet de Beaune. Pendant leurs vacances à la Camusière à Saint-Avertin, arrive le 22 août 1898 Geneviève qui épousera en 1918 Jacques Meffre, dont les parents habitent Beaugaillard, voisinant amicalement avec la famille Delaire et Roulliet. Le 20 décembre 1901 Maurice verra le jour à Toul. Il épousera Franceline Rostand.
Joseph était d’une taille hors de la moyenne « 1,88 m ».Lors de la béatification de Jeanne d’Arc à la quelle il assista en la basilique Saint-Pierre de Rome ; une rumeur allant s’amplifiant derrière lui, le fit se retourner pour connaître le motif des sourdes plaintes. Il s’entendit signifier : Monsieur descendez de votre tabouret.
Joseph Jeanson à cheval lors d'une revue au Mans. - ses trois enfants " André, Geneviève, Maurice "
Pour la dignité de son gendre notre grand-mère Roulliet savait bien faire les choses. Elle fit surélever les portes du salon et la salle à manger de la Camusière, afin que Joseph n’ait point à courber la tête, comme dut le faire Clovis recevant le baptême. Entre le salon et ce qui était alors la salle du billard fut percée une grande porte vitrée à deux battants. Ceci afin que la maîtresse de maison, au bras de son gendre, puisse rejoindre la salle à manger à l’appel du majordome : Madame est servie. Faisait alors suite le tout Saint-Avertin et du voisinage: comte et comtesse de Beaumont et Lecointre (Grammond), M et Mme Edmond Meffre, M et Mme Marcel Meffre (Beaugaillard), Colonel et Mme Ginet (Paradis), M et Mme François Roze (Roidemont) , comte et comtesse Paul Pourtales (Cangé), Mme Fortin, monsieur le curé Pouvrault, M et Mme Thomas (Le Déversoire), baron et baronne Waldemer (Ste-Hélène), M et Mme Chollet (la Branchoire Chambray), M et Mme Cognard (La Gastière Chambray), M et Mme Morin (le Château - Larçay). Ne sont ici relevés, du carnet d’adresses de Marie Roulliet, les noms des amis les plus proches, géographiquement (Tours exclue), de la Camusière, d’avant 1914.
De son côté André Jeanson semble garder des souvenirs émus de vacances : « Toute la famille s’est réjouie de la nomination de Papa au Mans13 , nous étions tout près de St-Avertin. Aussi attendions-nous avec impatience les vacances de Pâques et les vacances d’été que nous passions à la Camusière. Pendant ces vacances nous voyons régulièrement l’oncle et la tante Delaire au Petit-Bois. Toutes les semaines dîner de famille, une fois à la Camusière, une fois au Petit-Bois. Tennis tous les mercredis à la Camusière où venaient la jeunesse Meffre, Roze, Ginet et des amis de Tours.
Lors de l’enterrement, en 1903 à Saint-Avertin, du jardinier du Petit-Bois, le père Guillaume, Joseph s’y rendit en grande tenue d’officier. Ceci peut-être malgré lui, n’ayant pas le temps de pouvoir revenir à la Camusière, me fut-il dit par oncle André ou papa, avant d’aller recevoir à Tours le général commandant la Division de cette ville. Les villageois en restèrent béat d’admiration : Vous avez vu le capitaine en grande tenue à l’enterrement du père Guillaume, l’aide jardinier de M. Delaire ! Cinquante ans après Augustine Courratin, fille des closiers de la Camusière à l’époque, aimait raconter, elle aussi, la stupéfaction des Avertinois.
Mon père garda une amitié, non dépourvue d’une certaine amicale tendresse, vis à vis d’Eugénie Guillaume (fille du jardinier ci-dessus nommé) jusqu’à la mort de cette dernière le 12 janvier 1952 à l’âge de 80 ans. 14 Eugènie était jeune femme de chambre au Petit Bois, puis, après la vente du Petit-Bois, dentellière à Saint-Avertin. Je dirais même « artiste dentellière » tant était remarquable son travail... fait main. Les draps brodés de la Camusière, portant les initiales J R, par exemple sont de sa main. L’âge venant Eugènie n’était plus apte à continuer la broderie. Mais elle ne pouvait se lavouer. Les bons vieux avertinois lui confiaient de « l’ouvrage » sachant parfaitement qu’il ne serait jamais réalisé. Mais toujours est-il quand, avec nos parents nous la visitions, elle était toujours dans sa petite cuisine assise prêt de son petit fourneau cuisinière à bois, près de la fenêtre, un ouvrage sur les genoux.
Eugènie avait la Sainte Vierge pour « mère » aussi l’autel de Notre-Dame en l’église était toujours et continuellement remarquablement fleuri tout au long des années. Eugénie habitait une petite maison juste en face des escaliers descendants de la place de l'église, qui fut très rapidement détruite après son décès. L’amitié de papa n'était pas sans un retour aussi sincère de la part d’Eugènie. Quelques mois avant sa mort, sentant ses forces l’abandonner, voulant mettre ses affaires en ordre ; Eugénie confia à son cher Maurice, dans le « secret » le plus absolu, qu’elle lui destinait un petit sac dans lequel était une réserve de pièces d’or. Etonné l’heureux bénéficiaire reçut le sac
contenant bien des pièces
.mais seulement de couleur d’or - pièces de 5, 10, 20 centimes des années 1950 ; rien à voir avec les belles pièces d’or de l’enfance de notre brave amie, restée célibataire. Plus réelle fut le don d’un beau buffet deux pièces ancien qui entra ainsi à la Camusière.
Un des violons d’Ingres de Joseph Jeanson était la photographie par le procédé de reproduction sur plaque de verre. A cet effet il se fit aménager une petite pièce au rez-de-chaussée de la tour de la maison. Pièce qui servit de salle de jeux pour ses petits enfants, amusés par l’éclairage rouge et jaune des vitres de la petite fenêtre de cet ancien laboratoire photographique. Le grenier de la Camusière conserva plusieurs dizaines de ces plaques se rapportant à la vie militaire du photographe.
La scène suivante se passe au Mans : Joseph Caillaux alors président du conseil en 1911, enfant de la bonne ville du Mans, vint visiter l’Etat Major, dans lequel était Joseph. Caillaux s’approchant du Capitaine Jeanson le salua et tendit la main
qui lui fut refusée, ne le saluant que militairement. Joseph Caillaux était ce que l’on peut appeler une crapule politique. Il fut d’ailleurs condamné après la guerre 14-18 en 1920, par la Haute Cour pour correspondance avec l’ennemi, puis amnistié en 1924. La femme du ministre Caillaux assassina le directeur du journal « Le Figaro ». Elle fut reconnue « coupable et responsable » « mais non condamnable » comme l’on dirait aujourd’hui. A l’époque cela fut un scandale qui fit grand bruit en France.
Durant son temps de garnison à Tours Joseph aimait particulièrement visiter la famille de sa femme, au Petit-Bois, ainsi que sa mère qui louait pour la belle saison « Les vieilles Fontaines » afin d’être auprès de son fils et recevoir ses petits enfants l’été. En 1906 le bail locatif « Les vieilles Fontaines » ne fut pas renouvelé ; Marie Jeanson s’installa définitivement à Versailles jusqu’à son décès.
Le bel officier, cavalier confirmé, traversait les prairies dites du Cher entre la levée de ce fleuve coté Tours pour arriver côté Saint-Avertin aux Fontaines, à la hauteur de la propriété de Beaugaillard. Cet étendue de prairies humides, car inondables, couvraient l’espace compris entre l’avenue de Gramont sur Tours et les bords du Cher, de Saint-Avertin, appelés « Le déversoir ». Les prairies, utilisées pour leur fourrage, étaient traversées dans un temps très ancien par une petite rivière ou ru. Lors de l’urbanisation, de cette étendue champêtre, fut découvert un petit pont en dos d’âne typique de l’époque romaine. Des chemins charretiers parcouraient du Nord au Sud et d’Ouest en Est ces étendues verdoyantes. Je me souviens avoir traversé, en famille, ces étendues couvertes de hautes herbes alors dorées vue l’époque, aussi grandes que moi, ou presque, cohabitantes avec de merveilleux coquelicots, bleuets, renoncules des près etc. Ce sont ces petites voies de communications qu’empruntait la jument grise et son capitaine d’infanterie. Monture et cavalier pouvait, pour rejoindre « Le Petit Bois » emprunter le chemin dit de Beaugaillard17 ou celui des Fontaines.. Tous les deux montant dans la direction du Petit-Bois. Délicieux parcours bordés de propriétés et maisons en belles pierres tourangelles, ombragées de marronniers, tilleuls et arbres fruitiers. Joseph aimait se laisser aller au petit trop de sa monture à travers les chemins campagnards de Saint-Avertin, salués et saluant les dames rencontrées au hasard de ses promenades cavalières. C’est ainsi qu’il découvrit la propriété « La Camusière » alors à vendre. Sachant sa belle-mère à la recherche d’une petite campagne aussi près que possible du Petit-Bois ; il envoya un croquis18 de sa découverte à madame sa belle-mère. Ainsi fut achetée, à monsieur Robert Rennick (sujet anglais) général de brigade à l’armée des Indes, La Camusière le 17 janvier 1898 au terme d’un acte dressé par maître Langlois, notaire à Tours.
Une fois l’affaire conclue entre M Rennick et Mme Roulliet, « La Camusière » devint une fourmilière d’artisans. Charpentiers, menuisiers, décorateurs, peintres, plombiers, paysagistes, jardiniers et vignerons se mirent au travail : la maison fut agrandie d’une véranda avec terrasse, de deux perrons, de trois pièces et d’une tour. Ces constructions faisant un complément homogène de l’ensemble de la maison de maître. Les pelouses et les allées d’agrément furent retracées, d’autres créées : allée de marronniers roses, de tilleuls argentés avec ses rosiers du Bengale. Allée fruitière et verger furent plantés. Pont romantique sur la Gironde19, construit kiosques et bosquets de lauriers et de dizaine espèces d’arbustes, cognassiers du japon, pivoines arbuste, lilas etc, mis en place. Orangers et citronniers décorèrent les abords des perrons et de la véranda du printemps à l’automne. Des projets d’aménagements des abords entre le devant de la maison et les communs, pour l’amélioration de la circulation des voitures, ne vit pas le jour du fait de la guerre 14-18. Après la guerre, les conditions financières de la propriétaire n’étaient plus en état de satisfaire d’importantes dépenses. L’âge, la lassitude, le chagrin de la perte de sa fille, de son gendre, de son neveu Raoul Delaire, deux jeunes enfants de ce dernier, sont peut-être aussi une autre cause pour le non aménagement qui était souhaité.
Merveilleux cavalier Joseph, en garnison au Mans, passait en famille ses vacances à Saint-Avertin. Il ne pouvait se passer de ses deux juments : son ordonnance de l’époque les lui amenait du Mans par la route
au petit trot, aimait relater son fils André.
Joseph détenait également un bon coup de crayon. Alice dit en quelques mots, dans une lettre, que son époux vient de terminer un dessin. Un dessin campagnard à la plume, que détient Roselyne Guille des Buttes, signé G. Jeanson pourrait être de la main de Joseph. Ce G reste une énigme. En faisant le tour de la famille et relations de Joseph, nous ne pouvons trouver de prénom commençant par G. Si ce dessin est de Joseph, aurait-il alors emprunté l’initiale de son père, une dédicace en quelque sorte.
Joseph et son frère Amédée aimaient se retrouver chez leur mère aux « Vieilles Fontaines » ou à « La Camusière » et effectuer à partir de là des promenades à bicyclettes. Datée de juillet 1902, Amédée raconte :
J’ai passé un bon mois à St-Avertin avec mon frère ; nous avons fait des promenades à bicyclettes à Fontevrault où nous avons visité l’ancien cloître servant de prison, à Candé où est mort St-Martin, à Montsoreau, à St-Jean de Gruis où se trouve un cloître du 13 éme siècle. Marie (femme d’Amédée) commence à être souffrante (elle attend Hélène), mais cela ne l’empêche pas d’aller à la Camusière aux repas de famille et au Petit Bois. La tante Félix Dauchez et ses deux filles ont passé 15 jours aux Vieilles Fontaines. Fernande est fort gâtée, mais merveilleuse pianiste20.
Pendant les vacances et à la belle saison, Petit-Bois, Camusière, Vieilles Fontaines, n’étaient que jeux, pique-niques, goûters familiaux sous les cèdres et marronniers. Promenades à dos d’âne ou carriole pour les plus jeunes. Une photo nous montre madame Gaston Delaire, déjà d’un âge respectable dont je veux taire les chiffres inavouables des années, montée à califourchon sur un âne, entourée de joyeux lurons de sa famille proche. La respectabilité de la bonne douairière n’empêchait pas le rire, l’amusement atypique. Les réceptions étaient, parait-il, très nombreuses. La Camusière, le Petit-Bois, Beaugaillard avaient leurs jours de visites et de réceptions. Cela signifie que les maîtresses de maison réservaient chaque semaine un après-midi pour recevoir le voisinage en leurs salons. Le petit Maurice (Kiki à l’époque) ne conserva pas de souvenirs émus des visites du mardi aux Petit- Bois : pauvre petit kiki qui devait, avec sa sœur Mimie, rester stoïquement, sans dire un mot, assis au salon sur un pouf avant d’avoir permission de rejoindre cousines et cousins pour goûter, puis jouer dans le parc. Imaginez les en petits enfants modèles de la comtesse de Ségur ! La plus divertissante des jeunes cousines, était certainement Denise Delaire qui, d’un caractère très enjoué, avait une liberté du geste et du langage qui étonnait quelque peu son entourage. N’a-t-elle pas osé dire à son grand-père Gaston Delaire « Et bien mon vieux ! ». Quatre-vingt dix ans après elle en souriait encore d’avoir invectivé de la sorte son bon grand-papa. Tante Denise21 reste encore aujourd’hui stupéfaite de son audace enfantine qui n’eut pas de suite, tant parents et grands parents en restèrent bouche bée.
Un brave parmi les braves
Joseph Jeanson était, comme nous l’avons vu, très estimé par sa hiérarchie, tant il remplissait ses fonctions avec zèle. Ceci n’est pas littérature de convenance et d’amabilité familiale. Qui n’a pas entendu, 46 ans après la mort de Joseph, son ordonnance parler de son « commandant » les larmes aux yeux. Je parle ici de M. Jean Palussière qui avec sa famille vint effectuer un pèlerinage en 1950 à la Camusière et ainsi que sur la tombe de son commandant.
Maman resta, après la mort de son époux en 1963, toujours très fidèle à l’amitié de Jean Palussière. Ce dernier vivait retiré au village de Champtocé-sur-Loire (Maine et Loire). Franceline Jeanson alla une ou deux visiter le « brave Jean Palussière », ainsi le nommait-elle. Promu commandant au mois de mars 1914, Joseph est appelé en mai de la même année au commandement du deuxième bataillon du 45é Régiment d’Infanterie à Laon. Maurice écrit :« Il eut juste le temps de remettre en ordre ce bataillon lorsque la guerre éclata. Après une permission de quinze jours à Saint-Avertin, il rejoignit Laon le 16 juillet et partit avec son régiment le 28 juillet pour la frontière d’Alsace. Mais fut aussitôt changé d’itinéraire et envoyé vers la frontière belge, suite à la violation des frontières de ce pays par les armées allemandes ».
En quittant Laon avec son régiment, Joseph écrit dans son carnet de guerre : « Que Dieu veuille bien me donner les qualités pour conduire dignement ces braves gens qui me témoignent tant de bonne volonté et de confiance. Que notre France sorte de cette épreuve qui commence purifiée et plus forte ».
Traversant la ville de Laon, à cheval, rejoindre le point de rassemblement, notre grand-père est salué par ses amis et compagnons d’arme restant dans la garnison pour le moment. Ces derniers le salue et lui crient « Au revoir » ému et levant non seulement les yeux mais son épée vers le ciel, répond : « Si nous ne revenons pas, il y a l’au-delà ».
J’ai entendu dire qu’un livre, écrit par le chanoine Coupe, rapporte des lignes concernant notre grand-père
Joseph est sous les ordres du lieutenant colonel Grumbach., et du général Mangin commandant le 2éme corps d’armée dont fait partie le 45é Régiment d’Infanterie.
Le 1er août le 45e R.I prend cantonnement à Charleville Mézières, le bataillon du commandant Jeanson y arrive à 16h et va occuper Montey-Notre-Dame.
La 8e Brigade, sous les ordres directes du général Mangin commandant le 2e Corps d’Armée, dont fait partie le 45e R.I, est chargée avec un corps de cavalerie d’assurer la garde des ponts de la Meuse, de Givet inclus à Sedan inclus ; un Bataillon du 15e territorial occupant les ponts en amont.
Le 2e Bataillon, de Montey, détache une 1/2 compagnie au pont de Mouvion et une autre 1/2 compagnie au pont de Joigny (entre Mézière et Sedan). Les troupes de couverture reçoivent l’ordre du général Mangin :
« S’abstenir d’une manière absolue de franchir la frontière et de se livrer à des actes d’hostilité sur le territoire ennemi avant d’en avoir reçu l’ordre du Ministre, soit du général commandant en chef, ou d’avoir reçu notification de la déclaration de guerre.
Il est formellement interdit de pénétrer en territoire neutre, sans ordre spécial du ministre ou du général commandant en chef. Cette interdiction s’applique non seulement aux détachements, mais à tout élément de quelque importance qu’il soit et notamment aux patrouilles de reconnaissance de cavalerie, d’infanterie, de douaniers et de forestiers. Signé : Mangin.
Le 2 août le commandant Jeanson se met en relation par la 5e compagnie (capitaine Ducarue) avec des éléments du corps de cavalerie de couverture qui sont à Gesponsart (8 km Est de Mouzon). A 17h, 15le commandant Jeanson prend connaissance du télégramme ministériel suivant :
« Il est autorisé à faire ouvrir le feu sur aéronefs ennemis ou suspects ».
Dans la journée du 3 août le général commandant télégraphie à ses officiers supérieurs:
« Etat de siège déclaré pour tout le territoire sauf la Tunisie ».
Le 4 août à 17h la préfecture donne le télégramme officiel :
« Ministère de l’Intérieur à Préfet de France.
Ambassadeur Allemagne a réclamé hier ses passeports et a quitté Paris après avoir déclaré guerre à France.
On annonce que dès ouvertures hostilités, les allemands ont fusillé M. Laurain directeur, Souvenir Français en Alsace.
Fusillade aux avants postes cette nuit. Croiseur allemand Méditerranée a lancé quelques obus sur Bône et Philippeville, dégâts peu importants.
Salué par les applaudissements de la Chambre des Communes, ministre affaires étrangères Sir Edward Grey a fait déclaration qui se résume dans la double affirmation que flotte anglaise garantit France contre flotte allemande et que Grande Bretagne appelée par Roi des Belges, se prononce très fortement pour la neutralité de la Belgique.
Il a ajouté que la neutralité de la Belgique étant violée l’Angleterre devait user de toutes ses forces pour la faire respecter.
En conséquence mobilisation flotte et armée anglaises aura lieu à minuit.
L’armée allemande a violé la neutralité des territoires hollandais et belges dans la journée d’hier.
Le curé de Moineville a été fusillé par les soldats allemands.
En Russie la mobilisation s’opère sur tout le territoire de l’Empire avec ordre parfait et un merveilleux élan patriotique ».
Le 5 août mêmes emplacements des Compagnies et des Bataillons. Instructions données par le général commandant la 8e Brigade d’Infanterie :
« La situation est modifiée vis à vis de la Belgique. Les survol des avions est autorisé à de grandes hauteurs. Les reconnaissances de cavalerie peuvent passer la frontière dans des conditions spécifiées par le général en chef. Les postes d’Infanterie peuvent se rapprocher de la frontière sans toutefois la franchir jusqu’à nouvel ordre et avoir des relations avec les postes belges voisins.
Les postes de douaniers peuvent fraterniser. En tous cas il faut n’éveiller à aucun degré les susceptibilités d’une nation amie et alliée ».
Le 6 août divers mouvement dans la 8e Brigade sont effectués. Le lieutenant colonel Grumbach adresse aux chefs de Bataillons l’ordre d’opération N° I établi d’après les indications du haut commandement Général Mangin. C’est ainsi que le Bataillon du commandant Jeanson se rend à son cantonnement de Vresse (Belgique) sur la Sernoy où il arrive vers 16h.
L’ordre d’opération N°1 parvient alors aux trois chefs de bataillons du 45é (Marconnet, Bourdieu, Jeanson) :
« Notre corps de cavalerie se porte aujourd’hui en Belgique au Nord de la Semoy avec mission de préciser le contour de l’ennemi, de retarder ses colonnes. La 8e Brigade appuie le mouvement, le 45e a pour mission de tenir dès aujourd’hui les débouchés au Nord de la Semoy sur le front. (
) Le 2e Bataillon (Cdt Jeanson) donnera des ordres nécessaires pour que sa compagnie détachée à Mouzon et Joigny le rejoigne à Meufriant [ ?22]. Toutes les voitures escortées par la compagnie H.R quitteront Mohon à 9h, ainsi que les chevaux des officiers tenus par les ordonnances ».
A fin de cette journée du 6 août les officiers de la 8e Brigade reçoivent l’ordre général N°1 :
« La 8e Brigade d’Infanterie entrera en Belgique aujourd’hui 6 août avec le corps de cavalerie avant garde des armées Françaises.
Il importe au plus haut point que les officiers pénètrent leurs hommes, que la France vient apporter à cette nation amie et alliée le même concours qu’elle lui a déjà apporté en 1830 pour assurer son indépendance.
Il sera indispensable que chacun conserve son sang froid et évite les méprises qu’une nervosité mal contenue engendre si souvent aux avants postes, où l’on est porté à voir trop souvent des espions et des ennemis pénétrer nos lignes.
Les méprises vis à vis d’habitants prêts à accueillir des Français seraient regrettables d’autant que si quelques espions sont dans le pays, ce seront les habitants eux-mêmes qui nous les amèneront.
Toute réquisition est interdite jusqu’à nouvel ordre. Les achats seront toujours payés de la main à la main.
Le général Mangin
Le journal de marche du 45e souligne alors cette simple phrase : « Accueil enthousiaste des populations Belges ».
Toujours en cette journée du 6 août les ordres de missions se bousculent. Le commandant Jeanson reçoit l’ordre N2 pour la journée du 7 :
« Le bataillon Jeanson sera transporté en automobiles par Vresse, Rochehaut, carrefour de Mogimont, Plainevaux, Fays-les-Veneurs, chemin à travers la forêt de Lechy Ochamps. Le Convoi automobile cantonnera à Ochamps. Le bataillon Jeanson escorté par une fraction de cavalerie, sera prêt à être enlevé demain matin 7 août à 5h, 50 par le convoi automobile. A cet effet il devra être placé à l’heure ci-dessus indiqué sur la route de Vresse à Chairière, entièrement fractionné conformément à l’instruction ci-jointe. Tous les chevaux sans exception de ce bataillon, la section de mitrailleuses du lieutenant Richet, hommes compris, le train de combat, tous les hommes montés à bicyclette de ce bataillon, feront route de Vresse à Ochamps par étape environ 36 km. Le commandant Jeanson donnera des ordres pour que ce détachement voyage, par étapes, placé sous les ordres d’un officier qu’il désignera au poste de Vresse à 4 heures du matin. Le détachement sera vraisemblablement dépassé par le convoi automobile vers le village de Mogimont.
7 août : Le bataillon Jeanson qui devait cantonner à Ochamps par suite de modifications aux ordres du général commandant, est transporté en convoi automobile au cantonnement de Saint-Hubert.
8 août le bataillon Jeanson qui occupe Saint-Hubert y laisse la compagnie Ducarue (5e) et est transporté en convoi automobile à Rochefort. Le convoi à la demande par téléphone du Lieutenant colonel commandant le 45e Régiment, vient au devant du bataillon Bourdieu. Ce bataillon et celui du commandant Jeanson déjà arrivé, assument la sécurité de l’Etat Major de la brigade et des Trains du régiment. Le 2e Bataillon assume la sécurité en direction de Jemelle et Abbaye de Saint-Rémy Dans la soirée du 9 le Quartier Général du général Sordet s’installe à Rochefort ».
Le 9 août d’importants mouvements de cavalerie, de troupes et trains traversent la ville de Rochefort pour se diriger du Nord au Sud. Les hommes du 45é sont autorisés à prendre des soins d’hygiène et de propreté par moitié de l’effectif dans chaque Compagnie. Le bataillon Jeanson s’est déployé pour assurer la protection de la partie Ouest de Rochefort durant le temps où les troupes jusqu’au 12 doivent faire mouvements. Durant ce temps le maréchal des logis Bohn adjoint au 2e Bataillon fait deux prisonniers réfugiés dans une maison.
Le 14 août une automobile (Opel 40 A.P) montée par un capitaine de l’Etat Major allemand s’aventure jusque dans les lignes du 2e bataillon. Une section de la compagnie commandée par le sous-lieutenant de réserve Bocquet et par le sergent-major Mercier, ouvre le feu sur l’auto qui est capturée ; le capitaine allemand et le chauffeur sont tués. (Documents des A.N des Armées - château de Vincennes)
16 août. Pendant la matinée le Régiment qui est resté dans son cantonnement, doit se tenir à la disposition du général commandant qui a mission de tenir le front Hastières Anseremme [en dessous de Dinant]. A 11 heures le 45e Régiment est embarqué pour Lesves à 14 km environ S O de Namur. Mais en cours de route le Régiment passe sous le commandement du général commandant la 1er Régiment d’Artillerie.
En conséquence le 2é Bataillon se voit dirigé sur le cantonnement de Bioul, où il arrive vers 20 heures. Le Régiment se joint alors au 148é sous les ordre du général de brigade. C’est alors que le 45e est désigné pour assurer la défense de la rive gauche de la Meuse. Il fait partie du groupement dénommé « groupement Mangin » ayant comme secteur à défendre celui du passage important du pont d’Yvoir [ au Nord de Dinant, sur la route de Namur].
17 août : Le 2e Bataillon reste en réserve à Bioul.
Dans la matinée une reconnaissance, commandée par le lieutenant Baures de la 1re Compagnie, est poussée jusqu’à Evrehailles [Est d’Yvoir] et revient à 9 heures avec le renseignement suivant : « Rencontrée aucune infanterie ennemie. Aux dires des habitants aucune infanterie ennemie ne serait dans la région depuis le commencement de la guerre. Aperçu une patrouille de cavaliers ennemis qui a fait demi-tour dès qu’elle s’est sentie éventée ».. A midi la canonnades s’ouvre dans la direction de Namur et de Dinant. L’artillerie de la 1er Batterie du 41e, ouvre le feu sur un Etat Major supposé et qu’elle aurait pris d’abord pour une reconnaissance. La canonnade se continue à de larges intervalles dans le courant de l’après-midi
18 août : Une reconnaissance vers Evrehailles constate avec certitude que des éléments d’infanterie et de cavalerie ennemie sont à Evrehailles. Présence très probable de voitures ou de l’artillerie qui au 1er coup de canon se sont repliées dans une direction indéterminée. Des mouvements de troupes ennemies de toutes armes se dirigeraient vers Dinant (Renseignements communiqués par la reconnaissance).
Lors des reconnaissances de cette journée, l’état nominatif fait mention de 3 blessés et d’un disparu laissé sur le terrain, côté français.
21 août : A 23 heures communication des ordres reçus « Les 2 et 3é Bataillon du 45é d’Infanterie, ainsi que le 3é Bataillon du 148e sont mis à la disposition du général belge Michel gouverneur de Namur. Les trois bataillons quittent le commandement français et partent de Bioul à 1 heure en marche de nuit sur Namur. (Archives du 45e R.I)
Le rapport du Lieutenant Colonel Grumbach, commandant le 45é Régiment d’Infanterie sur les journées des 22, 23, 24 août est ce que nous pouvons avoir de plus précis sur l’événement qui nous intéresse.
« le 21 août 1914 à 22h,30, ordre est reçu à Anhée, venant du général comandant la 8e Brigade de se porter immédiatement à Namur avec C.H.R, 2e et 3e Bataillon du 45e et 3e Bataillon du 148é.
« Les trois Bataillons alertés à Bioul, se réunissent sous mon commandement à 1h, 30 le 22 août, puis se portent par une marche de nuit sur Namur où ils arrivent le même jour à 6 heures [22 km].
« Je me présente vers 8 heures à l’Etat Major de la position et me mets suivant les ordres qui m’ont été donnés, par le général Mangin commandant la 8e Brigade, à la disposition du général belge Michel commandant la place de Namur puis à la caserne des Cadets où un café chaud a été préparé pour les hommes.
« Le régiment traverse Namur, défile devant le général Michel aux accents de la marche de Sambre et Meuse, puis se rend devant la caserne des Cadets place Elisabeth où a lieu une distribution n’ayant pas demandé moins de 3 heures. Pendant la distribution de café, le chef de bataillon Dumy de l’Etat Major de la 5é armée française qui se trouvait à Namur me donna verbalement des instructions de la part du général Lawerzac. D’après ces instructions je devais m’efforcer de rester à Namur jusqu’au lendemain soir 23 août pour assurer la jonction entre l’armée du général de Langle de Cary qui devait se porter sur le front Namur - Audelle [ lire Aubel à l’Est de Liège à la frontière allemande], front que vraisemblablement, elle atteindrait dans l’après-midi du 23.
« A 8 heures communication est donné au bataillon Bertrand de se rendre à Moulin à Vent et aux bataillons Jeanson et Marconnet de se rendre à Bouge.
« Au fur et à mesure que les bataillons ont pris leur café, ils sont dirigés sur leurs cantonnements.
« Je relate ci-après les événements qui se sont passés pour chacun des trois bataillons, car sitôt mon arrivée au débouché Nord de Bouge, les autorités militaires belges qui voulaient des soldats français partout m’enlèvent la disposition de mes bataillons, malgré mes protestations. C’est ainsi qu’ayant reçu au sortir de Bouge l’ordre du général Heurard général belge commandant le secteur, de pousser mes bataillons vers le Nord et Nord Est, je dis à ce général que placé sous les ordres du général Michel commandant la place, je ne ferai aucun mouvement avant que le gouverneur de Namur m’en eût donné l’ordre.
« Je fus alors appelé au téléphone à Bouge par le général Michel qui me prévenait de me mettre aux ordres du général Heurard. Le 1er ordre que me donna le général Heurard fut le suivant : les trois bataillons français seront dirigés immédiatement sur la route de Haunet vers Bournine, le 2e sur cette même route à la borne 4, le 3é bataillon sur la route de Louvain à la borne 3 ».
22 août : Le lieutenant Colonel commandant le 45e raconte dans le journal de marche du 45e R.I les trois journées qu’il vécut personnellement au coté de ses chefs de bataillon Bertrand et Marconnet. « Le bataillon Jeanson, du fait de la valeur militaire de son commandement, indépendant des deux autres, avait pour mission de couvrir la retraite des armées belges du secteur de Namur, puis celle du 3e bataillon du 148e d’Infanterie et le bataillon du commandant Marconnet, en tenant le carrefour au centre du village de Bouge. Tenir ce carrefour le plus longtemps possible assurait le retrait des troupes belges et française vers la France par le pont de Namur ».
« Je recommandais au commandant Marconnet de gagner la corne du bois des Grandes Salles au N. S du village de Champion [ au Nord de Bouge]. Je me porte de ma personne de la borne 4 vers le village de Champion et me trouve vers 10h, 40 entouré des belges qui fuient vers le sud en criant « Sauve qui peut ».
« J’atteins alors le chemin de fer qui longe la lisière Est de Champion en me heurtant de nouveau à des belges en déroute. J’envoie le capitaine Bodeville dire au commandant Marconnet de pousser une compagnie sur le chemin de Le Tris à la ferme du Sart pour y remplacer les belges en fuite et de continuer avec ses trois autres compagnies son mouvement vers la borne S.O du bois des Grandes Salles.
« Arrivé vers 11h, 30 au point qui lui avait été indiqué, le commandant Marconnet en exécution d’un ordre qui m’avait été donné par le général belge Heuvrard, fait occuper par un peloton de la 9é compagnie la sortie du bois des Grandes Salles sur la route à Marchovelette. La 12é compagnie rejoignant la 9é, celles-ci occupent sur la lisière du bois des épaulements en arrière desquels se trouvait une batterie de six canons belges complètement abandonnée et n’ayant certainement pas été servie car les couvres culasses étaient encore en place. (
).
« 23 août. Jusqu’à 9 heures, calme plat, une fusillade cependant au petit jour. Le général Heuvrard arrive à ce moment à la sortie Nord du groupe de maisons environnant le carrefour de la route de Louvain et de Champion. Le général me dit que ça va très bien, que les soldats belges tiennent dans les tranchées, que le fort de Coquelée (qui la veille fut l’objet d’un bombardement incessant) répond toujours aux canons allemands, que du coté de Bournine tout est pour le mieux. A ce moment une vive canonnade allemande se déclenche et les obus allemands tombent à quelques mètres du général et de son Etat Major. (
).
« Dès l’ouverture de la canonnade de 9 heures les troupes belges qui petit à petit étaient revenues de l’arrière, pour occuper leurs tranchées au nord des communes, lâchaient pied et peu après le général Heuvrard me donnait l’ordre de me replier pied à pied.
« Je prescrivais au commandant Marconnet de tenir à la ferme du Sart et dans les tranchées qui l’avoisinaient pour permettre aux deux compagnies Bertrand qui avaient été maintenues à la borne 6 de se dégager par l’Ouest de la route de Louvain. Même ordre de retraite est donné par le général Heuvrard au bataillon Bertrand.
« Au milieu des belges qui se livrent à une fuite éperdue,24 j’arrive avec le bataillon Bertrand et les 11 et 12e compagnies du commandant Marconnet, derrière la gare de Namur. Ma retraite étant possible du fait que l’ennemi, en grande partie est contenu aux abords de Bouge par le bataillon Jeanson. Pour me dégager de ces soldats belges en déroute, je fais démolir une porte donnant sur la voie ferrée, fait franchir cette voie ferrée à la 6e compagnie que j’ai pu rallier et donner comme ligne de retraite par les Trieux de Salzinne, la route de Namur au Bois de la Basse Montagne. (
)
« Malgré le désordre causé par le « sauve qui peut » des belges, mais grâce surtout à la belle résistance que j’escomptais et que fit le bataillon Jeanson pour couvrir ma retraite, je puis arriver en ordre sur la position choisie. Je prescrivis au commandant Bertrand d’occuper la partie Est de la position depuis la route menant à la citadelle jusqu’aux escarpements dominant la Meuse vers Jambes, au commandant Marconnet de tenir la partie Ouest jusqu’au coude de la route coté Sambre. Il était environ 14h, 30.
« Il se produit à ce moment là une très vive canonnade allemande, puis une fusillade intense sur Bouge ».
Laissons ici le carnet de route du lieutenant colonel Grumbach : le commandant Joseph Jeanson, suivant l’antique expression, vient de tomber face à l’ennemi pour sa Patrie, le sabre à la main.
Extrait du Journal Lacroix du 22 10 1914 Suite et fin du 45éme d’Infanterie.
Le 26 octobre 1915 le 45é Régiment d’Infanterie embarque à Toulon pour rejoindre l’armée d’Orient en Serbie, après avoir servi dans la région de Verdun.
Le 28 le transporteur de troupe Ascania quitte Toulon vers la Corse.
Le 29 les côtes de Corse sont en vue - mer calme et voyage en bonnes conditions.
Le 31 l’Ascania arrive à Malte.
Le 3 novembre arrivée à Salonique, débarquement.3 et 4 novembre installation au camp de Zeitenlieck (Salonique). Le 45é rejoint le front le 14 novembre à Sirkovo. Dès le soir du 14 un violent combat se produit entre Sirkovo et Debrista, contre les Bulgares.
Le journal de marche du 45é R.I s’arrête le 2 décembre 1915, date de repli vers Miroveq. Il terminera la guerre à Makri Keui en Roumanie.
Pour sa Patrie
« Malgré le désordre causé par le « sauve qui peut » des belges, mais grâce surtout à la belle résistance que j’escomptais et que fit le bataillon Jeanson pour couvrir ma retraite, je suis arrivé en ordre sur la position choisie. Je prescrivis au commandant Bertrand d’occuper la partie Est de la position depuis la route menant à la citadelle jusqu’aux escarpements dominant la Meuse vers Jambes. Au commandant Marconnet de tenir la partie Ouest jusqu’au coude de la route coté Sambre. Il était environ 14h, 30.
« Il se produit à ce moment là une très vive canonnade allemande, puis une fusillade intense sur Bouge »
Lieutenant colonel Grumbach
Légion d’honneur Croix de guerre avec palme.
Le commandant Joseph Jeanson est tombé mortellement frappé dans le courant du mois d’août en protégeant à la tête d’une poignée d’hommes la retraite de son bataillon. A donné ainsi le plus bel exemple de bravoure et d’abnégation.
Ordre N°102 de la Véme Armée
Général Franchet d’Esperez25
Royaume de Belgique
Croix de guerre avec palme
Officier supérieur commandant le 2éme Bataillon du 45éme Régiment d’Infanterie qui s’est particulièrement distingué au cours des opérations qui se sont déroulées en août 1914, lors de l’attaque de la position fortifié de Namur.
Est tombé glorieusement au champ d’honneur à Bouge le 23 août 1914.
Arrêté royal du 29 novembre 1923
N° 16884
Le Roi Albert cite à l’Ordre du jour de l’armée le 2éme Bataillon du 45éme d’Infanterie français « Pour la bravoure et l’héroïsme qu’il a déployé au cours de la défense de la position fortifiée de Namur.
Le 22 août 1914, galvanisé par l’énergie de son chef, le Commandant JEANSON, s’est porté sous un feu violent d’artillerie et de mitrailleuses à l’attaque des positions ennemies au nord de Wartet, attaque au cours de laquelle il a subit de lourdes pertes ».
Cette citation comporte l’inscription de Namur sur le drapeau.
Bruxelles 12 octobre 1923
Albert roi des Belges
A Tous présents et à venir Salut
Voulant donner un témoignage de notre bienveillance à M. JEANSON commandant du 45éme Régiment d’Infanterie français tué au combat de Wartel du 23 août 1914 :
Sur la proposition de nos ministres des affaires étrangères et de la défense nationale26
Nous avons arrêté et arrêtons
« La Croix d’officier de l’Ordre de la Couronne »
est décernée à titre posthume au Commandant Jeanson
Donné à Bruxelles le 1er Juin 1927
Albert
Connaissant l’immense tendresse et la dévotion qu’il portait à son père, je laisse à Maurice le soin de conter, d’après de nombreux témoignages qu’il reçut, l’événement du deuil familial.
« Le 22 août le 2éme Bataillon entre dans Namur sous un violent bombardement. Le soir mon père doit prendre le commandement du 3éme Bataillon pour protéger le lendemain la retraite. Mais le 2éme Bataillon demande comme un honneur de marcher avec lui. Dans l’après-midi, une balle allemande lui arrache l’oreille droite. Il se fait simplement panser au poste de secours refusant de se laisser évacuer jugeant sa présence indispensable au Bataillon dans des moments aussi critiques. Il reçoit alors l’ordre de tenir le plus longtemps possible les routes accédant à Namur du coté du village de Bouge ; mais en tous cas jusqu’à 6 heures du matin le 23.
« Le 23 août à 11 heures il est encore à Bouge. A ce moment l’avant garde allemande devenant de plus en plus menaçante, vers 11h, 3027 il s’élance à la tête d’une section sabre d’une main et revolver de l’autre pour refouler l’ennemi à la baïonnette.
La manœuvre réussit merveilleusement puisque l’ennemi affolé se replia croyant voir s’ébranler un bataillon français (les règlements d’alors prescrivaient en effet que le chef d’une troupe devait marcher à sa tête pour l’entraîner). Mais le Bataillon subit de lourdes pertes.
Mon père tomba dans le cours de l’action d’une balle de revolver qu’un lieutenant allemand lui tire à bout portant au coin d’une haie28. La mort fut instantanée la balle ayant traversé le cœur. Le Bataillon, ne voulant pas abandonner son corps à l’ennemi, tint sur place jusqu’à 15 heures environ ; à ce moment écrasé par le nombre il dut se replier sous le commandement de l’adjudant de bataillon, tous les officiers ayant été tués sauf un qui fut fait prisonnier les deux jambes brisées.
Son corps fut d’abord enseveli par les Allemands près de l’église de Bouge près de laquelle il était tombé. En février 1915 il fut enterré dans un cercueil au cimetière de Jambes puis transporté en 1917 au cimetière militaire de ce même village,29où nous avons été le chercher.
Mon père avait toujours demandé en effet, s’il était tué lors d’une guerre, à être inhumé, si nous le pouvions, à Saint-Avertin.30 Mon frère André, mon beau-frère Jacques Meffre et moi, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, avons été chercher son corps et l’avons ramené en camionnette à Saint-Avertin où eut lieu l’enterrement définitif le 13 mars 192131 »
L’annonce officieuse du décès parvint à la Camusière le 31 août. Anna Jeanson, mère de Joseph, relate cette annonce à son fils Amédée, officier de marine sur le « Chamois » à Brest :
Je continue mon service d’arraisonner qui manque un peu d’intérêt. Le séjour dans le goulet n’a rien de réjouissant, ni de séduisant, mais j’aime encore mieux cela qu’un service à terre ; c’est toujours intéressant de commander. Il rentre pas mal de bateaux, le commerce a repris ; les pêcheurs font comme d’habitude, les thoniers vont au large dans le Golfe, les langoustiers font leur va et vient. Je me promène guère dans Brest et ne vois personne.
La Camusière 1er septembre 1914.
Mon cher Amédée.
Tandis que j’allais à l’église hier prier pour nous, on venait dire à Alice que notre cher Joseph n’existait plus. C’est son adjudant qui était à côté de lui qui l’a vu tomber ; il l’a tiré un peu en dehors, avec l’espoir de le retrouver plus tard ; il a coupé le morceau du vêtement qui avait été percé ; voilà la relique que nous aurons de mon pauvre enfant.. Cet adjudant, ancien de Bossuet, que Joseph estimait beaucoup, a fait connaître la douloureuse nouvelle à une dame de Laon qui déjà avait télégraphié à Alice des nouvelles après Dinant où Joseph s’est battu sans rien avoir ; il a fait le possible pour que nous soyons prévenus plus doucement que par l’avertissement officiel. Cette dame qui venait de ces côtés-ci, est allé voir notre curé et tous deux ensemble sont venues à la Camusière. Je les ai rencontrés sans qu’ils me disent rien, et ce n’est qu’en rentrant qu’Alice est venue se jeter dans mes bras en me disant « tout est fini ». Et rien encore de la mairie, rien du ministère, rien de nulle part.
Mon pauvre Amédée tu dois comprendre ce que je souffre. Sur notre ménage il ne me reste plus que toi. Quatre fois Dieu a rappelé à Lui ceux que j’aimais.32Il faut dire « Fiat »
Alice est plus courageuse que moi ; elle est plus jeune, elle en est à sa première douleur, elle sent que ses enfants ont besoin d’elle ; les pauvres enfants ils sont lamentables à voir. André tâche de se maintenir ; qu’il est pâle ; il croyait, il espérait encore à une simple blessure. Hier ; quand il a fallu se rendre à l’évidence ; que cela a été cruel.(
). Voilà Alice qui vient me trouver et me parler de la dépêche. Nous allons sans doute te l’envoyer, mais elle ne peut te donner les détails de cette lettre.
Je t’embrasse mon bien cher Amédée, je sens ta tristesse, que Dieu te bénisse.
Ta mère qui t’aime Anna Jeanson
Madame Roulliet fit savoir à son personnel qu’elle avait une communication à lui faire, me raconta 40 ans plus tard Marie, ( je ne sais plus son nom de femme) alors cuisinière gouvernante à la Camusière :
Nous entendîmes le frou-frou du satin de la robe de madame, traversant la lingerie, venant vers nous dans la cuisine où nous étions rassemblés à sa demande. Elle apparut telle une « Mater dolorosa. Nous étions figés
nous savions déjà la mort du commandant ». « Monsieur est mort ». Sans un autre mot elle repartit vers le salon. Une ombre s’éloignait accompagnée du même frou-frou étouffé, qui me reste comme un souvenir étrange. Marie d’ajouter : Le deuil s’installa à la Camusière. Jusqu’à mon départ de la Camusière, plus jamais je n’y revis la joie des années précédentes .
La Camusière se recouvrit d’une brume nostalgique.
L’acte officiel de la mort de Joseph Jeanson fut prononcé par jugement en date du 5 mai 1916 par le service de renseignements aux familles, Etat Civil et successions militaires du Ministère de la Guerre.
En date du 7 octobre 1914, l’Adjudant-chef Robert Bonnel qui prit le commandement du 2ème Bataillon, dès la mort du commandant, relate à sa mère les dernières heures de Joseph Jeanson.
« (
) Le Commandant Jeanson pendant tout le temps que je l’ai connu a mené une vie essentiellement chrétienne dans tous les moindres détails. Il communiait souvent avec moi, pour la dernière fois l’avant veille de sa mort à Bioul, dans la province de Namur. Ce village est situé à quelques kilomètres à l’ouest de la Meuse à peu près à mi-chemin entre Dinant et Namur. Nous avions fait là un séjour et chaque matin nous avions communié. Une belle nuit vers minuit, on nous a fait lever (2 bataillons dont le nôtre) pour aller à Namur remonter le moral de la division de réserve belge qui défendait Namur. Nous sommes arrivés là de bon matin salués par les acclamations enthousiastes. Vers 9 heures du matin on nous faisait monter sur un plateau à 800 mètres au nord de Namur. En arrivant sur ce plateau à environ 20 minutes de marche de Namur, nous nous sommes arrêtés au petit village de Bouge (qui devait être le lendemain le théâtre du drame). C’est là que nous avons reçu les premiers obus. Nous ne savions pas ce que c’était et ne prenions pas beaucoup de précautions. Vers midi on donne l’ordre de conduire le Bataillon à Bonine (4km au nord - est de Bouge). Nous avons été là sous les ordres d’un colonel belge nommé Werbitz qui était d’une nullité flagrante. Ordre nous fut donné d’aller « enclouer l’artillerie allemande ». Est-ce assez stupide. Il y avait devant nous une artillerie formidable et des pièces de très gros calibres. Dès que la tête du bataillon sortit du village, fusillade, canonnade terrible ; de plus les Belges avaient oublié de nous dire qu’ils avaient fait des travaux de défense, fils de fer etc
qui nous obligèrent à faire de grands déploiements sous le feu de l’ennemi. Chargé de recueillir les hommes qui se sauvaient, j’ai subi dans le village un bombardement terrible qui dura 2 heures. J’ai reçu là un éclat d’obus au pied que je fis panser le soir, deux balles de Schrapnel dans mon sac et une qui, amortie par mon revolver, vint s’arrêter sur ma hanche, n’occasionnant qu’un léger dépôt de sang. Le soir après avoir parcouru tant et plus le village, sous une grêle d’obus, ramené la valeur d’une bonne section (60 à 70 hommes) et reçu les compliments du fameux colonel belge qui était resté dans une maison et qui m’avait envoyé 2 ou 3 fois en observation à des points différents, j’ai retrouvé le Commandant Jeanson qui venait se faire panser. Une balle lui avait coupé l’oreille dans la partie inférieure, occasionnant une assez grande perte de sang. Le Commandant s’assit sur une chaise et devant tous les blessés qui étaient là, très gaillardement et en riant, se fit faire un point de suture puis un pansement. Il ne cessa de plaisanter tout le temps du pansement34Nous repartîmes tous deux avec les hommes que j’avais ramassés dans une tranchée où nous devions passer la nuit. Le matin au lever du jour nous partions en occuper une autre. Puis on reçut l’ordre de se replier à quelques kilomètres en arrière. L’attaque de la veille n’avait bien entendu pas réussi ; c’était impossible ; on était cependant parvenu à se maintenir sur ses positions. Bref, au rassemblement, l’on constate des pertes considérables, il restait 2/3 de l’effectif environ.35Nous n’étions pas là depuis plus d’un quart d’heure qu’on nous apprend que les Allemands nous débordaient sur la gauche ; le service de renseignements du colonel belge était nul. Après s’être déployé et avoir subi une canonnade effroyable d’où nous sommes sortis miraculeusement, le bataillon dut se replier sur le fameux Bouge. Comme ce petit hameau est juste sur le bord du plateau à deux pas et au dessus de Namur, il fallait le tenir coûte que coûte pour assurer une retraite convenable aux troupes, autrement les Allemands arrivaient en 20 minutes à Namur.36Le Commandant avait disposé son bataillon ; mais la Compagnie située au nord fut réduite à néant par l’artillerie qui tirait à bout portant à 400 mètres pas plus et sans qu’on ait eu le temps d’être prévenu, les Allemands débouchèrent par la rue au nord de la minuscule place de l’église de Bouge. Le Commandant fit tirer le peloton qui était en réserve auprès de lui ; mais, le temps de disposer ses hommes quelques Allemands réussirent à se glisser au nord de l’église dans ce petit hangar37cité plus haut. A ce moment le commandant fit charger à la baïonnette vers la rue à l’Est du hangar près duquel il se trouvait avec le peloton. Ce que voyant les Allemands qui étaient dans le hangar, ayant peur d’être pris (car j’avais dirigé quelques hommes à gauche de l’église pour les empêcher de tourner) prirent le parti de se sauver et de rentrer dans la rue. J’étais revenu près du Commandant Jeanson et au moment où se dernier brandit son revolver en criant « En avant » (il tournait légèrement la tête à droite pour regarder ses hommes) l’officier Allemand caché dans le hangar, en courant vers la rue, passa à quatre pas du Commandant et lui décoche une balle de revolver en pleine poitrine. Le Commandant tomba raide, foudroyé. Un moment d’hésitation se produisit chez les hommes. Ceux qui étaient en arrière s’enfuirent mais je réussis à entraîner ceux qui étaient près de moi en avant (environ 25 ou 30) et à force de crier « En avant ! ! Vengez le ! ! Nous avons le dessus ! ! Ils sont battus ».Je parvins à entraîner mes hommes vers le débouché de la rue et à repousser les Allemands à la baïonnette, accomplissant ainsi ce que le Commandant désirait. J’oubliais de dire que l’officier qui a tué le Commandant, a été tué aussitôt par un de mes hommes. Je me reportais en arrière pour voir le Commandant. Il était exsangue, couleur de cire ; l’orifice de sortie de la balle dans le dos à la hauteur du poumon gauche était énorme. J’allais lui prendre sa bague et ses papiers, lorsque la fusillade reprit très violente. Resté seul avec mes 30 hommes, je résolus de tenir bon sur place. Je savais que si je quittais, les Allemands seraient entrés en 20 minutes à Namur ; et le Bataillon qui descendait les pentes de Bouge vers Namur eut été pris entre deux feux, celui des Allemands les poursuivant par le haut et celui des Allemands déjà arrivés à Namur. Mais sur la place je ne savais pas où était le Bataillon, je ne voyais rien. Pendant la fusillade, les Allemands cherchèrent à me tourner en passant par des vergers sur ma droite près de l’église. Je plaçais tout de suite trois bons tireurs avec mission de ne rien laisser passer dans le jardin. Mes trois tireurs abattirent les 5 premiers « boches » qui tombèrent les uns sur les autres et le reste des Allemands fit promptement demi-tour. Pas un seul n’osa plus passer par le verger. J’avais devant moi une bonne compagnie de 200 à 300 hommes. Ne réussissant pas, les Allemands continuèrent une fusillade dès plus nourrie. Je dus les repousser une deuxième fois à la baïonnette. Le temps passait, le Bataillon descendait ; mais la fusillade était de plus en plus dense. J’avais l’impression d’être entouré. Je restais seul sur la plateau. La fusillade allemande n’avait pas cessé depuis plus de 2 minutes, qu’une grêle d’obus s’abattit sur l’église cherchant à dégringoler le clocher ; car ils nous savaient au pied. Il y avait 3/4 d’heure que j’étais là et ne pouvait plus tenir. Mais nous ne nous sommes repliés que de 50 en 50 mètres résistant en tout 1h, 1/4. Comme le chemin descendait en pente raide, les Allemands braquèrent un canon en haut du chemin ; mes hommes tuèrent quelques servants et le canon resta muet. A l’entrée de Namur nous nous sommes arrêtés pour tirer encore sur les Allemands qui nous arrivaient par trois directions. L’homme qui tua l’officier allemand me tua encore trois « boches » de l’autre côté de la Meuse, si bien qu’une dame qui avait assisté à la scène avec son mari, émerveillée sortit de la maison et remit à mon homme une médaille de la Vierge qu’elle portait sur elle. Je traversais ensuite Namur au galop, le revolver au poing avec mes 25 hommes. J’en avais mis un à 20 pas devant moi pour regarder au croisement des rues. Je pris un habitant qui me conduisit rapidement de l’autre côté de la Sambre. Je marchais ainsi 1h, 30 m’arrêtant lorsque je fus à l’abri des balles. Les habitants donnèrent à mes hommes : pain, confiture et bière et l’on repartit ainsi. Ce n’est que le soir à la tombée de la nuit que je parvins à rejoindre le Colonel à la tête d’une petite partie du Régiment.
La dernière parole du Commandant fut une parole de bonté à mon égard. Au moment où les Allemands débouchèrent sur la place de l’église, nous étions tous deux à un endroit à l’abri des balles. Comme il allait monter à sa place de combat à droite de l’église et sentant le danger qu’on allait courir, il me dit vivement en partant « Vous restez là ».Mais heureusement que je l’ai suivi comme c’était d’ailleurs mon devoir. C’est pour ces faits qu’on m’a proposé pour la médaille militaire ; mais les récompenses ne viennent pas vite. J’oubliais de dire que le Commandant est mort le 23 août vers midi(
). »
De toutes les lettres que les archives familiales conservent, je ne citerait qu’une autre concernant un autre témoignage. Lettre du capitaine Cadevelle, de la même promotion de Saint-Cyr, datait du 18 novembre 1914.
Madame.
Un moment de répit me permet d’accomplir auprès de vous avec tout le recueillement que cela comporte, un pieux devoir envers la mémoire de mon ami le Commandant Jeanson.
Il faut, en effet, quand on veut s’unir par la pensée à ceux qui souffrent et quand on veut bien souffrir avec eux, être au calme. La canonnade nous fait grâce pour quelques heures ! J’en profite.
Vous me permettez donc à moi, qui après une longue séparation, avait retrouvé, après St-Cyr au 54éme, notre cher disparu, de venir vous parler de lui. Je vous parlerai donc de nos derniers entretiens, de ce qu’il était au Régiment et combien il était aimé.
Que n’avez-vous pu être prévenue comme il le fallait, mais nous étions en retraite presque en déroute. Cependant je vois encore le Lieutenant colonel Grumbach écrivant le 25 août au Major pour lui faire-part de la nouvelle et le prier de vous prévenir. La lettre n’est pas arrivée à Laon et vous avez été soumise à la plus cruelle des épreuves. Combien je voudrais qu’elle vous eut été épargnée.
Notre ami avait été dès le début de la campagne, un modèle pour nous tous. Il était adoré de ses hommes et je le vois encore dans les marches, dures et pénibles, donnant à tous l’exemple, exhortant ceux qui n’en pouvaient plus, leur parlant de leurs familles et aussi de leurs devoirs. C’était le chef en même temps que l’ami. Quelle qualité ! Quelle confiance il inspirait !
J’ai fais avec lui une grande partie de cette marche de nuit vers Namur, où un beau Régiment était conduit au sacrifice, à l’hécatombe. Il avait foi dans le succés, il était prêt à tout et nous causions de nos espérances. Et puis, le lendemain son Bataillon recevait des généraux belges un ordre inexécutable. Bravement il partit avec son Bataillon, comme à la manœuvre. De mon côté j’étais envoyé avec le colonel à quelques kilomètres de la et le soir j’apprit qu’il était blessé à la tête. Puis ce fut cette sinistre journée du 23 août. Nous avions déjà à déplorer la perte de nombreux officiers, sous-officiers et soldats. Le Régiment était décimé, mais j’ignorais encore l’étendue de nos pertes.
Enfin il fallait battre en retraite et je vois encore notre ami Bonnel dont la conduite auprès de son chef fut héroïque, m’apprendre la voix pleine de sanglots la mort de son chef bien aimé. J’en fus atterré, mais il fallait sauver ce qui restait. Je m’y suis employé de mon mieux dans ma modeste sphère. Quelles heures lugubres ! Quelle épreuve !
Vous connaissez sans doute les détails des derniers moments. Cette lutte dans le village, ce corps à corps. Ces officiers allemands tombant sous nos balles qui nous vengeaient si faiblement du malheur qui nous frappait. Tout cela m’a été raconté par Bonnel et tous les témoins qui déclarent que le Commandant Jeanson avait par son attitude et les ordres qu’il avait donnés, protégé notre retraite fort compromise.
Beaucoup sont tombés, il y en a peu qui aient eu une fin aussi glorieuse. Etre tué à 6000 m par un obus, quelle misère, mais être tué en se battant, en faisant œuvre utile, quelle consolation au milieu de sa douleur ! Quelle belle mort de soldat.
Un prêtre, que je ne connais pas, le jour de la Toussaint dans l’église de Bray, a cité les noms de ceux qui étaient tombés au champ d’honneur et dont il citait l’exemple. Il parla du Commandant Jeanson et les militaires du 45ème, ils étaient nombreux, qui assistaient à l’office en furent profondément émus. N’assistant pas à l’office je n’ai pu partager leur émotion à l’évocation du souvenir de mon ami.
Au moins j’avais pu le matin remplir mes devoirs religieux. Mes faibles prières sont allées avec les votres vers Celui qui console. Puissent-elles avoir été entendues. Il m’a semblé depuis que j’étais devenu meilleur. De la haut Jeanson m’a entendu, lui, et il m’a dit : Courage.
Prêt, s’il le faut, a aller le rejoindre un soir de bataille. Je forme cependant le projet, si Dieu m’épargne, d’aller vers les lieux où sont tombés tant d’amis si chers.
J’espère trouver dans le cimetière de Bouge, une croix où se trouvera gravé le nom du Commandant Jeanson
avec bien d’autres hélas !. J’y déposerai la fleur du souvenir et sur tant de ruine pourra croître encore la fleur de l’espérance.
L’espérance, c’est la foi en Dieu et je sais Madame, combien vous êtes courageuse et combien vous avez cette foi. Et puis l’espérance c’est aussi vos chers enfants dont l’aîné donne, en suivant la carrière de son père, le plus noble exemple et qui lui aussi perpétuera dans notre chère armée le nom d’un homme qui s’y fit universellement aimer et estimer.
J’arrêterai là, Madame, mon essai de consolation, car je suis trop peu qualifié pour faire d’avantage, mais connaissant vos sentiments, je sais avoir pu vous faire voir combien je suis de cœur avec vous et partage votre douleur.
Vous m’excuserez, Madame, de vous avoir écrit si longuement, mais j’ai laissé parler mon cœur et je ne le regretterais que si j’avais pu vous importuner.
Je suis, Madame, avec le plus profond respect. Votre dévoué Cadevelle.
(Bureau central militaire. Paris)
Après lecture de ces deux lettres, j’ai peur que nos enfants et petits enfants ne puissent comprendre et s’enthousiasmer pour cette vertu qui a disparue de notre société, de leur langage : Sacrifice.
Petite remarque : le roi chevalier de Belgique n’a pas émis, en visitant Bouge et Namur après la guerre, la moindre allusion aux troupes de son pays pour les défenses de ces villes.
Une épouse, une mère peut être à l’image de la « femme forte » dont parle les Evangiles : Elle n’en reste pas moins un être humain si même crée à l’image de Dieu ;c’est à dire ayant la puissance de la sainteté en son âme. Alice dans sa douleur acceptée, offerte, reste une femme dans toute notre pauvre dimension humaine :
Mon chagrin est immense et pour moi je n’ai plus que l’espoir de retrouver au ciel mon mari qui m’y a donné rendez-vous. [Ecrit-elle à l’abbé Daumas un ami au Mans]. Mais
il y a bien des choses auxquelles il faut que je pense et bien des difficultés se présentent à moi. J’ai grand besoin de conseil et j’ai pensé que c’était peut-être vous, qui avez vu notre intérieur au Mans, qui connaissez tout mon monde, (mon mari et mes fils) à qui je puis demander conseil. J’irai au Mans si c’est possible vous les demander.
Le père Violet qui était mon confesseur y est-il et pourrai-je le voir aussi. Je voudrais à la suite de ce voyage savoir ce que je dois faire maintenant. Pourriez-vous me fixer un jour et peut-être que Many pourrait-elle me recueillir une nuit pour que je ne revienne que le lendemain si les trains marchent mal.
Je demande beaucoup de prières. Je pense à toutes les douleurs que vous voyez et croyez combien je souhaite offrir plus de moments pour ceux qui souffrent.
A. Jeanson
La semaine religieuse du diocèse de Tours, datée du 9 octobre 1914 fit part de la mort de Joseph Jeanson : Saint-Avertin - La mort d’un héros et d’un chrétien
M. le commandant Jeanson est tombé le 23 août aux portes de Namur, frappé d’une balle au cœur, à la tête de son bataillon. L’adjudant qui l’assistait à ses derniers moments a pu ramener seulement 25 hommes de sa compagnie, sous le feu de la mitraille.
M. Jeanson était aimé et estimé de tous à Saint-Avertin où il passait ses jours de congé, au château de la Camusière, résidence d’été de sa famille.
Modèle du soldat, du père de famille et du chrétien, il avait communié la veille.
En partant de Laon, ville de sa garnison, quelques amis étaient venus lui faire leurs adieux. L’un d’eux lui dit : « Nous faisons des vœux pour que vous nous reveniez ». Le commandant, nous dit-on, semblant tout transfiguré et levant son épée vers le ciel, répondit : « Si nous ne revenons pas, il y a l’au-delà ».
Son regret était de ne pas avoir dans son bataillon son fils aîné, aspirant à Saint-Cyr. Il ignorait en mourant que quelques jours auparavant, ce fils bien aimé s’était engagé au 5e cuirassier à Tours.
M. l’abbé Bataille, qui présidait lundi le service pour le repos de son âme, a rappelé, en termes émus, ces circonstances en faisant son éloge funèbre.
M. l’abbé Pasquier, vicaire général, y assistait comme ami de la famille, ainsi qu’un grand nombre de prêtres, d’officiers, de soldats et d’amis de Tours et de Saint-Avertin. La Schola de la Cathédrale prêtait son concours à la cérémonie.
N’est-ce pas le cas de répéter : La mort du juste est précieuse devant le Seigneur ?.
Le revolver de Joseph n’ait jamais parvenu à la famille ; les seuls souvenirs furent ses uniformes et sa cantine (uniformes qui furent profanés par l’un de ses petits-fils Jeanson) et sa chevalière en or sur laquelle était gravé une devise qu’il détenait de son père « Toujours droit ».38
Saint-Avertin. - Obsèques de braves.
A quelques jours d’intervalle, la commune de Saint-Avertin a fait de solennelles obsèques à deux de ses héros dont les corps avaient été récemment ramenés du front. Le mardi, 8 mars, elle accompagnait à sa dernière demeure le sergent Fouquereau, décoré de la Croix de guerre avec palme, tombé dans la Somme, près d’Ailly-sur-Noye, le 5 avril 1918 ; et le dimanche suivant 13 courant[mars 1921], elle rendait le même honneur au commandant Jeanson, chevalier de la Légion d’honneur, du 94e de ligne, tué à l’ennemi au début de la guerre, à Bouge, en Belgique, le 23 août 1914. Pour bien montrer que nos héros doivent être unis dans la mort comme ils l’ont été sur le front, ce fut la même pompe, la même cérémonie grandiose pour l’humble sergent que pour l’officier supérieur. Pour l’un comme pour l’autre l’église se trouva trop petite pour contenir la nombreuse assistance et le défilé fut le même pour les accompagner au cimetière. Dans les deux cérémonies, la musique prêta son concours. La Compagnie des sapeurs-pompiers entoura le corbillard et l’on vit suivre par derrière le conseil municipal au complet, l’association des anciens combattants, les Pupilles de la Nation, les enfants des écoles, les deux Sociétés de secours mutuels masculin et féminine, l’Association des familles nombreuses et enfin la population presque tout entière de Saint-Avertin.
Nous remarquons après toutes ces bonnes paroles extraites du journal départemental (dont j’ignore le nom), que le grade de Joseph Jeanson, comme pour toutes les autres inscriptions, ne fut pas gravé sur le monument aux morts 14-18, érigé dans le cimetière de Saint-Avertin. Le village de Bouge, de son côté, a un petit monuments mural rappelant le sacrifice des hommes du 45 et 148e Régiment d’infanterie tombés, en ce lieu même, pour la liberté de la Belgique.
Tous nos remerciements à Monsieur JEANSON pour son aimable autorisation de publication
Date de création : 02/03/2012 ! 21:33
Dernière modification : 13/01/2013 ! 09:55 Catégorie : Découvrir - Ils y sont passé Page lue 4930 fois Réactions à cet article
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