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RIBARCI

Le 3 Décembre, l'ordre de repli est donné pour 17 heures. Jusque-là, il faudra tenir coûte que coûte.

Il fait un épais brouillard et l'on ne distingue qu'à peine les rives de la Cerna. Mais ce jour-là paraîtrait semblable à tous les autres si, soudain vers 11 heures, on ne signalait que l'ennemi avait pu traverser la rivière entre Ribarci et Monastirce, la où, précisément, il y avait eu, le 1er décembre, une petite alerte.

Comment cela avait-il pu se produire ? La Cerna n'est pas si large que des Bulgares , pleins d'un stoïcisme et d'un courage également admirables, n'aient pu, à la faveur de la nuit et du brouillard, se jeter dans ses eaux glacées, la traverser à la nage et établir, au moyen d'une pauvre corde, un bac à la fois précaire et suffisant.

Dans un boqueteau, ils sont là, maintenant, une cinquantaine de braves qui doivent claquer des dents et crever de froid. Ils ne sont pas assez nombreux pour nous inquiéter encore. Mais leur présence est un danger qu'ils voudraient bien amplifier. Leur artillerie les soutient de façon d'autant plus efficace que de notre côté nous n'avons rien pour lui répondre : notre unique batterie est partie, depuis quatre jours, vers de plus sûrs arrières.

A midi, un soleil misérable éclaire de ses tristes rayons la grisaille d'un paysage de neige. Mais il dissipe le brouillard et enlève à l'ennemi son atout jusque là le plus sûr. Toutes ces tentatives, pour déboucher, sont arrêtées par un feu implacable.

Mais les Bulgares se renforcent. Nous voyons maintenant, sur la rive opposée de de la Cerna, leurs compagnies sortir de Sirkovo, comme à la manœuvre. On dirait de grosses fourmis brunes qui cheminent, inlassablement, sur la blancheur du sol. Ah ! Si nous avions de l'artillerie ! Mais nous n'avons que nos fusils, nos poitrines, et ce leitmotiv : tenir coûte que coûte jusqu'à 17 heures !

Au gué de Monastirce, les canons bulgares permettent le passage, un par un, le long de la corde tendue pendant la nuit, de nageurs qui viennent, lentement mais sûrement, grossir le nombre des occupants du boqueteau. Deux compagnies, au moins, se pressent de l'autre côté de la Cerna, n'ayant, vis à vis d'elles que deux sections françaises qui s'accrochent à la rive et qui refusent d'abandonner les lieux.

Les obus, assez rares, et les balles, assez drues, tombent maintenant sur nous. Il y a des blessés légers : qu'ils filent vers Kavadar en suivant les perches dressées le long de la piste prévue pour le repli. Il y a des blessés graves : on les laissera sur place, dans un coin à l'abri du vent, déblayé de sa neige, après les avoir recouverts de couverture et indiqués à l'humanité problématique de l’ennemi par un fanion de Croix Rouge.

Nous ne pouvons sans un atroce serrement de cœur penser à ce que va être la fin de ces malheureux. Ceux qui ont des balles dans le ventre crèveront assez vite par la péritonite de leurs intestins perforés. Mais les autres, qui n'ont que les cuisses fracassées, combien de temps durera leur agonie glacée ? Combien de nuits et combien de jours faudra-t-il à leur jeunesse pour s'abîmer enfin, après temps de cris solitaires et de hurlements sans échos, dans le silence définitif de la mort ?

Vers 16 heures, la nuit tombe. Le feu bulgare se ralentit. Dans une heure, on pourra lâcher le terrain, conformément aux ordres reçus. Ce répit est mis à profit pour organiser la retraite.

On se rassemble par escouades, par sections, par compagnies. On retrouve, tant bien que mal, la piste qui doit nous mener à travers les creux et les sommets de la montagne. Elle est jalonnée de perches noires qui tranchent sur la blancheur du sol. Ceux qui croient être les derniers à passer arrachent les piquets qui indiqueraient à l'ennemi le sens de notre retraite. Et, s'il y a des attardés, ils n'ont plus, pour se diriger, que la trace illusoire des pas des camarades ou la rouge lueur des incendies que nous avons allumés.

Car, avant de partir, nous avons mis le feu à Koru-Christian et plus spécialement à la ferme de Palikura afin d'éviter que d'énormes approvisionnements en blé, en maïs et en orge ne tombent entre les mains de l'ennemi (le propriétaire de Palikura était – comme le hasard fait bien les choses! - officier de réserve allemand).

Cette nuit de retraite dans la montagne est effroyable. Le piétinement des hommes a transformé les sentes en cloaques de neige fondue où l'on plonge jusqu'à mi-genou. On s'enfonce dans des trous d'eau glaciale. On s'écroule pour de courts arrêts, là où on se trouve, dans un informe mélange de boue et d'ordure. Les mulets tombent dans des précipices plus ou moins profonds, et on entend le coup de feu du muletier qui les abat sur place quand ils ont les pattes cassées. On franchît des crêtes, des ravins, on passe des gués. Une dernière côte où l'équipement pèse d'un poids plus lourd encore, une dernière descente où on trébuche sur un sol rocailleux, et l'on arrive à Przdevo à 5 heures du matin, le 4 Décembre.

Depuis 12 heures nous marchons. Depuis 24 heures nous sommes debout. Depuis 36 heures nous n'avons pas mangé.

Deux heures de repos à Przdevo et, toujours en hâte, on nous dirige sur Demir-Kapu, gare d'évacuation du matériel et tête de pont importante sur le Vardar.

45e_RI_EVRARD_Prudent_Avis_Recherche.jpg


Date de création : 19/01/2013 ! 14:52
Dernière modification : 03/09/2014 ! 20:58
Catégorie : Historique du 45e RI - Le 45e RI en 14-18
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