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Henri MOREL |
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http://45eri.lescahiersdhistoire.net/data/fr-articles.xml SMOKVICA A Smokvica, un peu en avant du village, nous faisons face au nord et face à l'ouest. Le village s'étend en longueur dans la plaine du Vardar. Son extrémité Est se situe à quelques centaines de mètres du fleuve alors que son extrémité Ouest escalade déjà les contreforts mon- Qu'y a-t-il derrière ces pitons presque inaccessibles, derrière ces rochers fendus de ravines derrière ces à-pic dissimulés par les ronces, derrière ces cols. qui offrent leur facilité traitresse au balayage des mitrailleuses ? Ici, tout I'avantage est pour l'assaillant. Tandis que nous restons dans nos tranchées précaires, lui peut manoeuvrer, grimper sur un piton qui nous domine, se jeter sur un point faible, masser ses hommes devant une unité qui flanche, grouper son artillerie en une position dé- Maintenant qu'il occupe toute la région, Drenska, Vardar, Pétrovska, l'ennemi se sert de la vallée de la Pétrovska pour rassembler ses forces. En face de lui, un élément du 148ème va, d'est en ouest, occuper la plaine depuis le Vardar jusqu'à Smokvica, face au Nord. Puis le 45ème s'infléchit vers le Sud, faisant, par conséquent, face à l'Ouest que garde d'abord, vers la mosquée de Smokvica, la l2ème Compagnie, puis la 10ème, la 9ème et la 11ème enfin. Celle-ci, tout à fait au Sud, touche presque à Kovanec où sont deux Bataillons du 148ème. En somme, nous tenons le côté supérieur et le côté gauche d'un carré grossièrement délimité en haut par le bataillon du 148ème du Vardar à Smokvica, à gauche par le 3ème Bataillon du 45ème de Smokvica jusqu'à Kovanec, en bas par la rivière de Kovanec, la Pardovica, et à droite par le Vardar. C'est sur le côté supérieur du carré, entre le fleuve et Smokvica, que l' attaque bulgare commence à 4 heures du matin, le 11 décembre. Tandis qu'on entend au loin les clameurs forcenés des Bulgares qui s'emparent de nos tranchées vides de Miletkovo, il se fait devant nous un étonnant va-et-vient de petites lampes électriques. La section de droite de la 12ème a vite reconnu que c'est l'ennemmi qui s'avance et qui nous déborde. Allons-nous être tournés par cette grosse troupe qui nous touche de si près qu'on entend ses pas, ses voix, son souffle, et qu'on peut maintenant définir exactement sa mouvante et multiple silhouette ? Le lieutenant chef de section fait aussitôt ouvrir le feu. Une mitrailleuse soutient la fusillade. Les Bulgares s'écroulent en paquets hurlants. Les nôtres sont debout, au coude au coude, baïonnette au canon, tirant sans arrêt. Mais au milieu des clameurs sinistres et du bruit des coups de feu, les assaillants continuent d'avancer. La section est complètement entourée. Enrayée, sa mitrailleuse s'est tue. Seule, une charge à la baïonnette pourra dégager les combattants encerclés. Et, dans le petit jour qui se lève, on voit une poignée d'hommes fonçant en un éclair d'acier, vers l'air libre de la hauteur voisine ou ils vont s'y établir pour arrêter de façon plus sûre le flot ennemi qu'ils ont contenu, seuls, pendant une heure. Leur héroïque repli laisse pourtant "en l'air" le reste de la compagnie. Le capitaine doit donc faire aligner sur eux ses autres sections. Elles occupent des pitons, à quelques cents mètres en arrière après s'être décrochées par miracle dans une obscurité qui grouille également de Bulgares isolés et de Français perdus. Il est 5 h e. 45. Maintenant, le 1er et le 2ème Bataillons sont là, ayant terminé leur courte route et capables d'épauler le 3ème Bat aillon qui "trinque ". Vers 6 heures, tout le monde est en place, creusant en vitesse des tranchées nouvelles pour contenir l'attaque qu'on sent inévitable et qu'on croit imminente. Mais il n'en est rien pour· l'instant: le flot bulgare paraît s'être brisé sur l'obstacle et s'être étalé devant Smokvica. Nous en profitons pour renforcer la ligne du 3ème Bataillon par des unités prélevées sur les deux premiers Bataillons et surtout par des sections de mitrailleuses. L'une s'installe vers la mosquée, l'autre sur un sommet au sud de Smokvica. La 10ème Compagnie, en liaison avec la 12ème, doit à la suite du recul de sa voisine, reculer elle-même quelque peu. Sur les pitons qu'elle quitte, les Bulgares s'installent aussitôt et ils ont même la prétention de ne pas la laisser se fixer là où elle veut former sa ligne de défense. Il faut des charges à la baïonnette pour les déloger et les rejeter dans un ravin. Avec une ardente tenacité, ils remontent à l'assaut de nos pentes, mais, comme à la cible, on les abat et ce n'est Pas pour longtemps. Car d'une part, l'ennemi a pu installer des mitrailleuses sur des sommets qui nous dominent et permettent des tirs d'enfilade. Il a amené d'autre part de l'artillerie dont le premier soin est de mettre hors de combat les deux sections françaises de mitraille. Jusqu'à 11 heures, nous n'avons pas de canons pour lui répondre. On doit donc encaisser, avec la rage de l'impuissance, tous les feux des Bulgares. Partout, les pertes sont cruelles, mais plus spécialement à la 10ème,dans les sections de mitrailleurs, et à la 7ème dont le chef, Le service médical fait preuve d'un merveilleux courage. Tandis que la troupe a au moins le petit abri de ses retranchements et son immobilité qui la dissimule, les médecins et les infirmiers doivent circuler partout, dans la plaine, sur les pitons, dans les ravins, sans pouvoir se protéger des vues ennemies. Ils accomplissent leur devoir avec un héroïsme qui force l'admiration de leurs camarades. Devant eux, autour d'eux, on voit le petit nuage de poussière que font les balles de mi- trailleuses en touchant le sol. De temps à autre, ils s'aplatissent sous un obus qui les cherche. Mais partout ils finissent par passer et à la fin de la journée, pas un seul blessé ne sera laissé sur le ter- Comme le temps paraît long ! certes, à la fin de la matinée, notre artillerie nous a apporté un peu de répit en freinant l'ardeur des Bulgares. Mais dans l'après-midi, on ne l'entend plus. Sans doute a-t-elle dû se retirer vers l'arrière qu'on nous prépare pour la bataille du lendemain! Combien de jours encore vont durer ces· jours tous pareils? Nous le connaissons par coeur le programme de ces heures toujours semblables où on ne mange pas, où on ne boit pas, où on ne dort pas et où on se bat sans arrêt, en plein vent, dans le froid qui nous glace ! Et, tandis que nous remâchons l'âcreté de notre lassitude et l'amertume de nos fatigues, voici que, vers 15 heures, l'attaque bulgare s'intensifie sur la 9ème Compagnie. Le canon et les mitrailleuses s'acharnant; sur elle. Les charges d'infanterie se succèdent, toujours plus fréquentes et plus denses. Le nombre nous accable, et la 9ème fléchit. Son repli entraîne la 10ème qui la touche et la 4ème qui la soutient. A 16 heures, sur les unités qui ont conservé leur ligne, les balles arrivent en rafales par devant, par les flans et même par derrière. Pourra-t-on tenir dans le soir qui vient et dans la nuit qui tombe ? Notre sort sera-t.il d'être tués ou bien d'être pris ? L'ordre de retraite arrive enfin et on abandonne les tranchées qui nous ont coûté si cher en cette journée cruelle. Mais que se passe-t-il ? Le s Bulgares ne paraissent pas poursuivre leur avantage et nous, nous ne semblons pas devoir nous arrêter comme à l'habitude sur des tranchées tracées à l'avance.
Date de création : 19/01/2013 ! 14:56
Dernière modification : 02/12/2013 ! 18:59 Catégorie : Historique du 45e RI - Le 45e RI en 14-18 Page lue 3470 fois Réactions à cet article
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