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Sandt (Louis). - Nous avons publié nos démarches du 30 décembre et du 30 janvier dans l’affaire Sandt. (Voir Cahiers 1927, p. 36.) Le 15 mars, nous avons transmis au ministre de la Justice les importantes déclarations d’un habitant de Mézières dont la déposition tardivement reçue confirme entièrement la thèse que nous avons soutenue. Le voici intégralement transcrits : Je soussigné Thysiand Adolphe, demeurant à Mézières (Ardennes), 2, couronne Champagne, ayant appris, par la presse, l’exécution sommaire d’un individu, fait relevé par la Ligue des Droits de l’Homme pour réhabilitation, déclare les faits suivants tels qu’ils se sont passés : Le 24 ou 25 août 1914, le 45e régiment d’infanterie battait en retraite, se repliait par la route nationale allant vers Hirson. La 12e compagnie, commandée par le capitaine Danis, établissait son cantonnement dans un hameau, et la section de l’adjudant Boucart, à laquelle j’étais incorporé provisoirement, était placée aux avant-postes. Vers 10 ou 11 heures du soir, un individu était amené au poste, par la sentinelle, pour être interrogé par l’adjudant. Cet individu paraissait âgé de 50 à 55 ans. d'une forte corpulence, d’une attitude militaire, au ton bourru, ferme; habillé de gris, coiffé d’un chapeau melon. L’adjudant Boucart lui demanda ses papiers, l’individu répondit : « Je suis Français, je n’ai aucune pièce d’identité, n’ayant pu en emporter, et, de plus, j’ai servi 15 ans dans l’armée française, ce qui peut justifier de ma qualité de Français, et c’est malheureux d’être ainsi soupçonné par des soldats français. » L’adjudant lui dit : « Donnez-moi un gage de votre identité; vous êtes bien grand, bien gros, mais vous ne mangerez pas les petits soldats français; je vous prie de vous taire et de laisser reposer mes soldats. » J’avais été invité par l’adjudant à tenir une bougie, et c’est ainsi que j’ai été le témoin le plus impartial de l’affaire. Une dame couchée dans le local en compagnie d'un facteur, se leva et dit à l’adjudant : « Monsieur, je le connais ». L’adjudant lui dit : « Comment, madame, appelez-vous cet individu ? ». Cette dame répondit : « Je ne le connais pas par son nom, mais je le connais bien ». L’adjudant Boucart partit et revint un instant après avec son revolver. A son retour, l’individu se lamentant du motif de son arrestation, l’adjudant me dit : « S’il continue, je vais lui brûler la gueule ! » Quelques instants après, l’individu ayant cherché à se - sauver, l'adjudant, à bout portant, le tua d’une balle tirée dans la région du cœur. Il est donc faux qu'il fût achevé à coups de bêche par deux soldats, comme le prétend une dame qui se dit témoin de l’affaire. Avec deux autres soldats, en effet, nous l’avons fouillé, et nous n'avons rien trouvé sur lui: ordre nous fut donné par l'adjudant de l’enterrer: nous le traînâmes dans le jardin où nous l’avons inhumé. Sur une motocyclette restée dehors, ayant appartenu A la victime, nous avons trouvé, dans une toile, genre tailleur, attachée A la moto, les objets suivants : Un appareil photographique, une boussole, une brosse à cheveux, une botte de fer blanc renfermant 25 fr un appareil dont Je ne puis donner la description. Le tout fut également enterré, sauf la boussole, que l’adjudant conserva. La moto fut brûlée par nous le lendemain matin, vers 7 heures, avant que la compagnie continue son repli dans la direction de Brunehamel. Dans cette douloureuse affaire, l’adjudant a voulu démontrer beaucoup de son zèle, de son autorité: il avait d'ailleurs, à maintes reprises, manifesté l’intention de tuer cet individu, et je conclus que si la victime, par peur du danger qu’elle courait, a voulu se sauver, cet acte a fourni à l’adjudant un motif pour accomplir le geste qu’il cherchait. Ce monsieur parlait très bien le français; il a cherché par tous les moyens A faire vérifier son Identité, son honorabilité, et ses appels ne furent jamais compris par l’adjudant Boucart. Un rapport a été fait par ce sous-offlcier au capitaine Danis, qui est venu, par la suite, avec le commandant, avant notre départ de l'endroit, constater l'inhumation de la victime et l’Incendie de la motocyclette. S’agit-Il de Louis Sandt ? Nous avons tout lieu de le croire et les circonstances de la mort de « l’individu » dont parle M. Adolphe Thysland, doivent à notre sens se confondre avec celles de l’exécution sommaire de l’ancien maréchal des logis de gendarmerie. Il importe donc que l'adjudant Boucart et que le capitaine Danis du 45e régiment d’infanterie soient recherchés et entendus. Le témoignage de M. Thysland ne fait d’ailleurs que confirmer dans son ensemble les autres témoignages recueillis et nous fortifier dans notre opinion que la réhabilitation de la mémoire de Louis Sandt sera un acte de justice et une réparation nécessaire. 
Source :LES CAHIERS DES DROITS DE L'HOMME du 05/07/1927

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L’affaire Sandt Nous avons relaté les circonstances dans lesquelles un ancien sous-officier, Louis Sandt, fut exécuté sans jugement par les troupes françaises au début de la guerre (Cahiers 1927. pp. 36 et 356). La demande de réhabilitation que nous avions for mée en faveur de Louis Sandt, a été transmise à la Chambres des Mises en Accusation de la Cour d’Appel de Nancy qui, après plaidoirie de notre collègue, M. Charles-André Doley — remplaçant notre secrétaire-général, M. Guernut, a rendu, le 20 juillet 1928, l’arrêt suivant : Attendu que, le 26 août 1914, un individu se présenta, conduisant une motocyclette, vers 21 heures, au poste de police, installé par les militaires du 45e régiment d’infanterie, dans l’école communale de « Mon Idée », écart d’Auvillers-les-Forges, fût arrêté par la sentinelle sous les armes ; qu’interrogé, il déclara se nommer Sandt et ne posséder aucune pièce d’identité ; qu’après une courte discussion, le sous-officier, chef de poste, trompé sans doute par son accent alsacien et le prenant pour se livrer à l’es pionnage, l’abattit d’un coup de revolver et le fit enterrer dans le jardin de l’école. Attendu qu’un acte de décès fut établi le 31 août, en mairie d’Auvillers-les-Forges, que le signalement qui y est contenu et les témoignages recueillis ne laissent plus aucun doute sur l’identité de la personne suppliciée, laquelle n’est autre que le nommé Sandt, Jean-Louis, ancien maréchal des Logis en retraite, à Eteignères. Attendu que Sandt, lorsqu’il a été arrêté à « Mon Idée », se retirait comme tous les habitants d’Eteignères devant l'invasion allemande; qu’il était connu pour ses sentiments patriotiques dévoués à la France et qu’aucun fait n’a pu être établi permettant de croire que, son attitude s’étant modifiée à la déclaration de guerre, il ait cherché à procurer des renseignements à l’ennemi. Que, dans ces conditions, son exécution par un adjudant français est non seulement illégale, comme ayant eu lieu sans jugement, mais encore injuste, comme ayant sanctionné des faits qui ne constituaient ni crime ni délit ; Attendu que la Cour possède les éléments nécessaires pour évaluer à 15.000 francs le préjudice matériel et moral que l’exécution de Sandt, Jean-Louis, a  causé à «on frère et unique héritier François-Louis Sandt. Par ces motifs : La Cour, Dit que la personne exécutée sans jugement à <« Mon Idée » écart d’Auviilens-les-Forges (Ardennes), le 26 août 1914, et dont le décès est constate par un acte dressé en mairie de cette commune le 31 août 1914 sous le numéro 31, est bien le nommé Sandt, Jean-Louis, né le 24 juin 1858, à Vireux-Molhain, de François et de Biaise Elise-Josêphine. Dit que Sandt a été victime d’une exécution : Premièrement : illégale, comme ayant eu lieu sans jugement ; Deuxièmement : injuste, comme n’ayant sanctionné aucun fait qui constituât soit un acte d’espionnage, soit un crime ou un délit. Prononce, en conséquence, la réhabilitation de Sandt, Jean-Louis. Dit que l’État français devra verser à François Louis Sandt, frère et unique héritier de Sandt, Jean-Louis, la somme de 15.000 francs, à titre de dommages-intérêts.
Source :  LES CAHIERS DES DROITS DE L'HOMME du 20/10/1928


Date de création : 25/06/2018 ! 08:22
Dernière modification : 25/06/2018 ! 08:22
Catégorie : - Témoignage
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