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Henri MOREL |
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2ème Classe Alphonse DIOT Classe 1912 (Alphonse Diot Französisch Kriegsgefangener Erfurt /WK1)
Cheminement d’un normand du 45ème Régiment d’Infanterie, mon grand-père maternel.
Alphonse Jean Baptiste DIOT est né le 20 mars 1892 à Graignes (Manche) en Normandie, au cœur du marais. Issu d’un milieu pauvre, il est le deuxième enfant d’une famille de quatre. De sept à douze ans il va répondre à la messe, en semaine et le dimanche. Le prêtre de l’époque n’est pas facile, il faut marcher droit sinon les coups tombent. Il quitte l’école vers l’âge de douze ans pour travailler dans les fermes, apprendre le métier de journalier agricole et surtout manger à sa faim. Chaque jour il change d’endroit et de maître, partant tôt le matin, été comme hiver, avec des trajets à pieds, en sabots, dans le pays du marais, souvent dans la pluie et le froid. Il apprend et murit, devient exigeant, aime le travail bien fait, ne compte pas ses heures. Les années passent, Alphonse vit de son travail et aide sa mère dans les travaux du jardin. Il aime rendre service autour de lui.
On est en 1912, Alphonse a vingt ans. Arrive le conseil de révision, puis le départ pour deux ans de service militaire, loin de chez lui, puisqu’il est incorporé le 10 août 1913 dans l’Aisne, au 45ème Régiment d’Infanterie, peut-être à Sissonne (c’est le nom qu’il prononçait le plus devant ses enfants quand il parlait, très rarement, de cette période). Le 11 août, il est soldat de 2ème classe. Un an plus tard, lors de son service, commence une guerre qui va broyer des millions de vies. S’il était à Sissonne, il appartiendrait au Bataillon Marconnet (3ème bataillon), compagnies 9, 10, 11 ou 12 du 45ème RI et aurait suivi le périple de ce bataillon. C’est le départ pour la Belgique, Namur. (lire le rapport GRUNBACH pour cette journée)Le 23 août, il est déclaré disparu (p19 du JMO, à moins que ce ne soit un homonyme), puis son nom réapparait, le même jour, avec son matricule (5526) cette fois ci, en tant que blessé, dans le journal de marche du 45ème page 23. Si l’ordre numérique des bataillons et compagnies puis hiérarchique par grades est un temps soit peu respecté lors du pointage des effectifs, on peut penser qu’il était de la 10ème Compagnie, éventuellement 11ème ou 12ème, donc effectivement du 3ème bataillon. Il est en effet en 12ème position après les Lieutenant Audibert et Sous-Lieutenant Demarne, tués le 23 août. Il fut en effet blessé au genou, mais nous n’avons aucune information sur les circonstances et le type de blessure. Interné à Cassel (orthographe de l’époque, aujourd’hui Kassel) en Hesse, il est envoyé au camp d’Erfurt en Thuringe.
Teller dekoriert Häftlinge Erfurt /WK1 C’est un camp de baraques que les prisonniers doivent construire eux-mêmes, sous bonne garde. Pendant ses quatre années de captivité, il retrouve son travail d’ouvrier agricole dans les fermes allemandes ou bûcheronne dans les forêts environnantes d’Erfurt. Il en rapportera quelques photos de camarades posant seuls, avec des civils ou travaillant dans les forêts. Une superbe photo de groupe présente aussi les nombreuses nationalités de prisonniers, enfin une assiette « souvenir » avec un motif représentant le camp. On retrouve son nom dans les longues listes de la Gazette des Ardennes (p 580 / 3ème Colonne / Erfurt / 3ème ligne). Rapatrié le 21 janvier 1919, il est affecté au 36ème RI le 27 mars et démobilisé le 27 août.
Kriegsgefangenenlager - Erfurt / WK1
Kriegsgefangene unter Zivilisten - Erfurt / WK1 Französisch Kriegsgefangener in den Wald - Erfurt / WK1
Le retour au pays après la guerre ne fut pas facile. C’est pour lui un vrai cauchemar d’apprendre auprès des gens qu’il revoit pour la première fois depuis quatre ou cinq ans, l’étendue du massacre. La commune de Graignes a perdu quarante-trois jeunes gens pendant cette guerre, dont son beau-frère Pierre MARIE, mari de sa sœur ainée Maria, père du petit Louis, âgé de trois ans. La mort de ces jeunes le gêne, il en connaissait beaucoup. Il est conscient que cette blessure au genou lui a sauvé la vie ; certains lui feront remarquer : « t’as eu de la chance de t’en sortir en étant fait prisonnier, t’es en vie toi ! ».
Französisch Kriegsgefangene in den Wald - Erfurt / WK1 Französisch Kriegsgefangene - Erfurt / WK1
Les médailles d’Alphonse DIOT / 1ère GM
Puis il reprend son travail de tâcheron, chez certains de ses anciens patrons et de nouveaux. Au rythme des saisons, il se lève à deux heures du matin pour se rendre sur le lieu de ses taches. Il fait l’abattage du bois et ses quatre-vingt fagots par jour, le bottelage du foin, mille deux cent bottes par jour, à la main, teurques incluses (la teurque, c’est le lien de la botte en paille torsadée). Puis c’est le ramassage des pommes, environ mille kilos par jour.
Les années passent, Alphonse a plus de trente ans et n’est pas encore marié. Il voudrait bien « se poser » comme on dit. Il voit souvent dans les fermes une petite servante, Madeleine THOUROUDE . Il fait sa demande, elle accepte et ils se marient l’année de ses vingt ans, le 21 avril 1925. Ils quittent Graignes à la fin des années vingt pour s’installer à St Georges de Montcocq, à cinq kilomètres de Saint-Lô, au lieu dit « la Réaumerie » chez le parrain d’Alphonse. Ce dernier est âgé et pour cette assistance, ils vont hériter de la maison et des terres. Alphonse continue son travail dans les fermes en plus des travaux sur la terre de son parrain. Madeleine s’occupe de ce dernier et de ses deux ou trois vaches. L’oncle et parrain meurt en juin 1937. De l’union d’Alphonse et Madeleine né Alphonse Pierre Marcel, le 21 janvier 1933. Puis ce sera Thérèse Denise Madeleine Alphonsine le 8 avril 1934 et trois ans plus tard, le 10 octobre, Andrée Odette Marcelle.
Arrive la seconde Guerre Mondiale, qu’ils traverseront sans trop de difficultés, la petite ferme et l’entraide entre amis permettant de subsister. Le 2 septembre 1939 il est rappelé à l’activité, pour être renvoyé dans ses foyers deux jours plus tard. En juillet 1944, la bataille des haies se termine avec la prise de St Lô, détruite à 90%. La 35ème Division US libère le secteur de St Georges, qui déplore deux victimes civiles. Madeleine dira souvent qu’ils ont tous les cinq échappé au pire. Après la guerre, elle s’inquiétera souvent dès qu’Alphonse tarde à rentrer à la saison des foins ; des engins trainent dans les hautes herbes et peuvent être percutés par la faux, piétinés par le faucheur. Pourtant ce n’ai pas là que surviendra le drame Nous sommes en 1946, les corvées de battage ont repris et comme chaque année, Alphonse y est invité, il les fait toutes. C’est à la ferme du Grand Hamel, la journée se termine, on envoie la dernière gerbe sur la batteuse. Une grosse poignée de celle-ci va tomber à côté et instinctivement, Alphonse veut d’un coup de main la refouler, mais la large courroie est très proche et sa main est happée. La machine est stoppée rapidement, mais Alphonse à la main disloquée. Rapidement garroté, ce sera un voyage de six kilomètres en voiture à cheval et la traversée de Saint-Lô en ruine jusqu’à l’hôpital irlandais, puis l’amputation de sa main droite. Un appareil lui sera proposé mais il ne l’utilisera jamais. Il sera très peu indemnisé, le fermier ou arriva l’accident n’ayant pas d’assurance. Ne pouvant plus assurer ses journées de travail, isolé, ayant trois enfants de dix à treize ans à charge, cet accident est un coup dur pour ce travailleur perfectionniste. Il s’adaptera malgré tout à ce handicap, continuera à rendre quelques services dans les fermes, s’occuper de son potager. Mais ce n’est que le début d’une fin de vie difficile.
Son fils Alphonse a alors treize ans et souhaite être paysan, aller travailler chez les autres, comme son père. Il aide ses parents pour les travaux difficiles, il est un réconfort moral pour son père. Les années passent, nous sommes en 1953, Alphonse est appelé sous les drapeaux. Il ne comprend pas pourquoi on l’envoie si loin de chez lui, là-bas, de l’autre côté de la Méditérannée. Il part le 11 novembre 1953 pour Bizerte en Tunisie. Il est affecté au 8ème Régiment de Chasseur d’Afrique. Nous sommes le 22 mai 1954, Madeleine entend à la radio qu’il y avait des incidents en Tunisie et que l’on avait recours à l’armée. Elle s’inquiète pour son fils et passe une très mauvaise journée. Vers 22h, alors qu’ils vont s’endormir, on tape à la porte. Son mari Alphonse descend s’informer et ouvrir. Surprise, c’est le Maire de la commune accompagné de l’un de ses adjoints. Pourquoi leur visite à cette heure là? La nouvelle tombe, terrible: « Votre fils Alphonse a été tué ce matin dans une embuscade ». Madeleine a tout entendu, elle va devenir folle, veut en finir avec la vie Pendant une heure environ le Maire et son adjoint restent avec les deux parents effondrés. Seul le rappel par Alphonse que l’une de ses filles est enceinte et attend peut-être un petit garçon permettra de calmer Madeleine. Le lendemain tout le village, au courant de leur malheur, viendra les soutenir. Les circonstances du décès de son fils ont souvent dû rappeler les éprouvants jours d’août 1914 à Alphonse, lorsqu’il était au 45ème Régiment d’Infanterie, ses camarades tués ou blessés autour de lui. Il survivra dix ans à cette épreuve, mais ne s’en remettra pas. Il meurt le 22 décembre 1964. Madeleine sera suivie médicalement et vivra avec son chagrin jusqu’en décembre 1977 .
Alphonse DIOT, son fils, tué le 22 mai 1954 en Tunisie lors de son Service Militaire au 8ème RCA
Biographie réalisée avec le témoignage écrit de sa fille Thérèse DIOT. Lionel LEMARCHANT
Je recherche des documents et témoignages sur le camp d’Erfurt lors de la 1ère Guerre Mondiale. C’est pourquoi certaines photos sont légendées en allemand. Idem sur les événements de Tunisie en 1954 et le 8ème RCA. Contact : lionellemarchant@sfr.fr
Date de création : 23/12/2012 ! 10:19
Dernière modification : 11/03/2014 ! 18:55 Catégorie : Découvrir - Témoignage Page lue 3938 fois Réactions à cet article
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