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Henri MOREL |
LA RETRAITE EN BELGIQUEIl n'y a pas à vol d'oiseau, 10 kms entre Bioul et Onhaye. Mais les deux villages sont exactement axés sud-nord et toutes les grandes routes de la région, empruntant les failles creusées dans la forêt d'Ardenne par les affluents de la Meuse, sont dirigées de l'Ouest vers l'Est. C'est donc par des chemins forestiers dégringolant les pentes, escaladant les sommets, que nous allons essayer de gagner la France par une marche nord-sud, pénible par l'absence de route, par le milieu boisé qui nous enserre et par les alertes perpétuelles que nous vaudra l'ennemi qui, lui, se déplace d'Est en Ouest et coupe, par conséquent, nos trajets de repli. Au départ de Bioul, fusillade qui nous fait rebrousser chemin. On trouve une route forestière encaissée, déjà jonchée d'armes et d'uniformes de fuyards belges. Toute la journée du 24 Août 1914 va se passer en marches, en arrêts anxieux au cours desquels on se demande si on ne va pas être fait prisonniers par l'ennemi qui est près de nous et qu'on évite par miracle. Quand le soir arrive, vers 19 heures, on s'arrête à Gochenée, exténués de fatigue. Le 1er bataillon organise rapidement la défense du village. Des barricades de chariots et d'échelles sont dressés aux issues. La nuit n'est pas tombée, une nuit toute empourprée d'incendies, que la cavalerie ennemie vient nous attaquer. On la repousse. Mais la situation est si critique qu'à minuit on décide de partir. Vers le Sud, toujours vers le Sud. Quelle lugubre nuit ! Quand on quitte les cheminements forestiers, c'est pour voir le ciel embrasé des incendies de village. Quand vient le matin du 26 Août, on fait halte à Treignes sur une de ces routes Est-Ouest que le flot allemands n'a pas encore submergées. Pendant des heures passent devant nous les troupes qui se sont battue à Charleroi. Ce sont des milliers d'hommes fatigués, poussiéreux, qui semblent aller sans hâte vers un destin ignoré. Des civils passent aussi, juchés sur des carrioles où ils ont entassé leurs pauvres richesses et derrière lesquelles ils tirent un bétail qui titube de faim, de soif et de fatigue. Mais les avions allemands nous ont repérés et nous sommes bientôt bombardés. Il faut partir, et, par une effroyable côte au travers de la forêt, on atteint Oignies. Là, on retrouve les égarés de Namur. Ceux-ci ont passé de plus durs moments encore que le gros du régiment. Ils ne s'en sont tirés que grâce à des documents trouvés dans une auto allemande qu'ils ont pu arrêter. A Oignies, la nuit est survenue sans qu'il soit question de se coucher. On repart vers 21 heures. On se replonge dans la forêt pour entreprendre une des marches les plus pénibles que nous ayons connues. En 7 heures, on fera 7 kms à travers le bois de Nismes pour atteindre Gué d'Hossus. Les fourgons restent enlisés dans les ruisseaux qu'on traverse à Gué. Les hommes tombent de sommeil et d'épuisement sur le bord de la route forestière où deux personnes passeraient tout juste de front et par où doivent s'écouler des régiments entiers. Et par-dessus tout l’envoûtement funèbre de la forêt et son silence noir et glacé. Quand, à 3 h. ½ du matin on arrivera à Rocroi, le mercredi 26 Août, nous aurons marché sans prendre de repos depuis 28 heures.
Date de création : 19/01/2013 ! 11:14
Dernière modification : 20/01/2013 ! 07:39 Catégorie : - Le 45e RI en 14-18 Page lue 3371 fois |