LES AFFAIRES DES CREUTTES
ET
DU BOIS DE LUXEMBOURG
Le 3 Février, le colonel Lorillard prend le commandement du régiment.
Le 5 nous embarquons à Villers-Bretonneux pour débarquer le lendemain à 2 hueres du matin à Fismes. Le soir du 6, nous couchons à la ferme Cuissy et le 7 nous arrivons, par Jumigny et Vassogne, au sud du Chemin-des-Dames, dans la région de Paissy La Vallée-Foulon Hurtebise.
Là, on nous rattache au 18ème Corps. Plus exactement on nous fait relever les unités du 18ème Corps qui viennent d'avoir un coup très dur, deux compagnies faites prisonnières dans une Creutte dont l'entrée avait été obstruée à la suite d'un violent bombardement allemand.
Le secteur est mauvais, difficile. Pour monter en ligne, on grimpe, par des sentiers muletiers, le long de pentes fort raides, creusées de sorte de grottes, les Creuttes, taillées dans la craie. Puis on accède à un plateau sur lequel on s'est durement battu en Septembre 1914 : les runes du château de Paissy, un avion fracassé, des caissons d'artillerie, des voitures d'ambulance gisant écrasées sur le sol, des bêtes qui n'ont pas encore achevé de pourrir, disent l'intensité de la lutte.
Les boyaux, très profonds, serpentent, au travers du plateau, dans l'humus végétal suintant d'humidité.
Près du bois Foulon, il y a un cadavre d'Allemand, déchiqueté, qui pend dans les branches d'un arbre dénudé par l'hiver.
Tout est sinistre ici. La dure saison fait paraître plus noir et plus triste encore le paysage partout borné par des crêtes abruptes et incultes où poussent seuls quelques boqueteaux ébranchés par la mitraille.
Mais par temps clair, on a l'émotion de voir se profiler sur les dernières crêtes la silhouette hautaine de Notre Dame de Laon, Laon que nous avons quitté il y a 6 mois, Laon où nous avons vécu, où nous avons laissé des familles, des parents, des femmes, des enfants, des maîtresses dont nous sommes sans nouvelles, Laon où, tous, nous avons l'espoir de rentrer bientôt, répondant à l'appel muet que sur la colline lointaine lancent vers nous les deux tours de la Cathédrale dressée dans le ciel.
Jusqu'au 28 Février, le 3ème bataillon restera dans ce secteur. Mais dès le 16 Février, les 1er et 2ème bataillons sont relevés vers 2 heures du matin et dirigés sur Fismes, Prouilly et Hermonville où l'on couche après une longue journée de marche.
Le lendemain 17 Février, nous sommes mis à la disposition du Général Corvisart pour soutenir une attaque que le 148ème doit prononcer sur le bois de Luxembourg, au sud de Berry-au-Bac, en bordure de la route 44.
L'attaque semble bien préparée. Elle ne réussit cependant qu'à demi et le 148ème ne progresse que de quelques centaines de mètres au prix de pertes nombreuses. Nous n'avons pas à intervenir et nous rentrons, sans avoir rien fait, à Hermonville où tombent quelques gros obus envoyés par le fort de Brimont.
Date de création : 19/01/2013 ! 14:31
Dernière modification : 03/02/2013 ! 20:49
Catégorie : - Le 45e RI en 14-18
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